Chers amis, avec les années qui passent les pensées terribles s'amenuisent, trouvent leur juste place, puis peu à peu, la langue, toujours elle, nous remplace, elle parle pour nous, elle nous esquisse en quelque sorte, elle creuse l'écart, elle rapproche et souvent elle est ce qui survit des choses et des matières.
Cette langue tant abandonnée par nombre de celles et ceux qui devraient y laisser leur peau, cette langue livrée à de plus en plus rudimentaires usages sans liens, une langue pornographique en somme, cette langue est ce que m'ont offert depuis des décennies celles et ceux que je rencontre: une façon de tenir debout dans le bruit et la fureur en articulant "je suis ici".
Tous mes voeux....
De l'ombre tombe souvent
sur le couchant des hommes
la maison le jardin tout
est surpris dans la nuit
qui vient souvent en plein midi
à l'heure du repos
la radio les journaux les images
sans ménagement
écourtent le repas du petit
la mère tremble
un peu
il ne faut pas
que les enfants s'éloignent
de la vie des disputes
et des clans pour un rien
c'est peut-être le moment de les aimer soudain
plus qu'hier
quand le soleil jouait les élégantes
de l'ombre sous le tapis les rideaux les livres
refermés la vaisselle faite on ne se laisse pas aller
la fenêtre est ouverte
le chant des oiseaux
ralentit
dans le quartier muet disparaît
il se tait
on referme la fenêtre
on se serre
en disant des choses
sans les penser
on les dit
il faut vivre
dire ces mots rapides
qu'on chuchote en s'embrassant
sur le pas de la porte.