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Puissance des voix !

Adrien D’HOSESquare Edison, Lansman,  2023, 64 p., 11 €, ISBN : 978-2-8071-0398-6

d'hose square edisonAdrien d’Hose vient de publier sa première pièce de théâtre, Square Edison, aux Éditions Lansman et, pour un homme ou une femme de théâtre, c’est toujours un événement particulièrement délicat et formidable. Délicat en ce sens où l’auteur publiquement dévoile déjà les prémices d’un style et, formidable, en ce sens où l’édition de théâtre permet de venir et de revenir au texte en dehors même des aléas et des difficultés de production scénique.

Il est dit d’Adrien d’Hose qu’il a pour ambition « d’écrire sur l’individu et ses multiples trajectoires. Écrire également sur le manque. Sur ces choses que l’on avait et que l’on n’a plus. » (Note de l’éditeur)

Depuis la tour de Babel jusqu’à la récente Tour de Schuiten et Peeters, le gigantisme des constructions humaines force à s’interroger à chaque fois sur le sens, l’utilité ou la vanité de ces constructions. Au théâtre elle est souvent appelée comme référence à une forme de radicalité sociale, politique, civile tout simplement.

L’espace dans lequel se joue ce drame ressemble à s’y méprendre à tous les quartiers un peu délaissés, vieillots en tout cas, en-dehors des activités harassantes de la productivité. Un square, au cœur de la ville, au pied d’une immense tour Edison… Quelques lampadaires éclairent faiblement le lieu.

Les personnages sont étrangement qualifiés simplement par un geste, une activité banale, une forme. Il y a Maeve qui observe les lumières, Yoan, planté là, Claudia qui porte un masque neutre et fume, Gaétan regarde souvent vers le haut, Eugène parle, Marius, hoche la tête. Il y a aussi un homme qui court et l’image qui est si belle…

Des situations, des comportements, des réflexions sur ce qui manque et qui persiste toujours.

Maeve : la lumière nous guide, il est normal de suivre la lumière. 

Ce qui émane des personnages, comme de penser à l’air libre, ce sont des soliloques croisés, des échappées de l’imaginaire et des obsessions de chacune et chacun. Square Edison est une pièce sur le désenchantement des citoyens et des habitants d’une ville qui se retrouvent dans ce petit square pour se connecter autrement à ce qu’ils rêvent et souhaitent au pied de la grande Tour. Des déconnexions se font, des paroles s’entremêlent, des confidences se déclinent et ce qui a l’air décousu au premier abord mais qui nous révèle très vite le motif du tapis, la déshérence, la solitude des citadins de cette ville qui n’arrête jamais et qui ne cessera jamais de tourner.

Les personnages, grâce à l’écriture subtilement poétique et politique de l’auteur, nous amènent très vite dans des lieux de l’esprit où le manque est la première matière.

Adrien d’Hose a l’art de saisir les émotions, les sentiments et les paroles des personnages à l’acmé de leurs surgissements et aucune graisse dans ces répliques ; tout va à l’essentiel tout le temps, occupé à dire notre sentiment du dérisoire et d’une banalité tragique.

Square Edison est une forme de variation sur une robinsonnade à plusieurs, ils et elles sont là dans les ricochements de leur solitude collective et l’humour perce souvent la désespérance qui affleure dans cette bande d’enfants perdus du siècle.

Pas de minimalisme cependant, l’enjeu du drame frôle les vertiges de la tragédie, il ne reste que le frottement des êtres et de leurs paroles pour tenter d’échapper au destin Titanic qui les guette.

Yoan : Pourtant j’ai l’impression d’avoir mis du sens. J’ai l’impression d’avoir trouvé quelque chose en venant ici. La pièce perdue d’un puzzle. Je voulais revenir, tout le temps, comme si ce qui avait disparu se trouvait là, quelque part, autour. Je sens que c’est là, je me sens si proche. Si proche de ce qu’il me manque. 

C’est aussi une pièce émouvante à propos de cette génération de l’ambiguïté de vivre pour trouver sa place, après le ressourcement au square Edison…

En ce sens, Square Edison est une pièce revigorante qui met en exergue la puissance des paroles qui viennent du plus profond, souvent à l’insu même des protagonistes, et qui leur donne une dimension humaine, plus qu’humaine.

Daniel Simon

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