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L’éditeur parisien

 

 

 

 

 

 

 

Récit

 

 

Nous étions au premier rendez-vous. Lui,  la trentaine, souriant, réservé, venait me consulter pour un suivi de manuscrit. C’était une longue réflexion sur les tourments de l’amour. Il m’annonça, dans une joie et une fierté frémissantes, qu’il devait m’avouer qu’il avait déjà envoyé son manuscrit à un éditeur français et que celui-ci l’avait apprécié et le publierait. Qu’un Comité de lecture avait apprécié son texte. Je le félicitai et lui demandai pourquoi il voulait me rencontrer après cette bonne nouvelle. Il était troublé, me répéta à quel point son livre était important pour lui, que c’était sa vie qu’il exposait.

 

Nous échangions quelques réflexions à propos de ce passage à l’acte : écrire, se faire éditer, attendre, espérer…et je me permis de lui demander, en feuilletant son manuscrit, de quel éditeur il s’agissait. Il me le cita et je compris qu’il était dupe d’un de ces marchands d’illusions, « l’opium des graphomanes », un éditeur à compte d’auteur, jouant de son adresse parisienne pour le niais qui voulait voir son livre tout de suite à Paris, …en grand sur l’affiche…

 

Bécassine et la littérature…Elle suivrait sur ce type d’annonce, Bouvard et Pécuchet également, la plupart en fait. Et les lecteur font comme s’ils n’y votaient que du feu car eux aussi , ils aimeraient écrire leur livre.

 

Il était là à attendre ma réaction. Je feuilletais le Contrat qu’il m’avait tendu et je repérai aux endroits attendus les sommaires subtilités d ‘ « usure » de ces auteurs pathétiques. Il attendait et espérait que je confirmerais sa chance et son talent enfin reconnus.

 

Je cherchais la phrase adéquate, je m’en remis à ma nature et me mis à rire… « Ce n’est pas grave c’est arrivé à chacun d’entre nous… ». Je lui expliquais les pièges, les abus, les tournures d’escroc.

 

Il était incrédule. Il voulait encore rester célèbre… « Un quart d’heure » !

 

J’amortis le choc, lui offris un premier accompagnement et un livre où il se retrouverait. Il me confirma plus tard que ce fut le cas. Et m’annonça alors qu’il avait trouvé un autre éditeur qui, que…Il me donna son nom, je le renvoyai aux mêmes remarques. Il ne m’écrivit plus pendant quelques semaines. Un jour, il me recontacta avec l’annonce d’un troisième éditeur du même tonneau. Je lui renvoyai le mail précédent à quelques mots près.

 

En plus, je lui proposais de faire la liste de tous les éditeurs peu scrupuleux qu’il repérerait sur le Net en fonction de critères que nous avions dévoilés ensemble.

 

Rien n’y fit. Il continuait. Je me dis qu’il devait être trop crédule ou atteint par quelque chose qui ne me concernait plus.

 

Je lui rappelai que je faisais métier parfois de ces conseils à un prix modeste.

 

Il ne répondit plus et je me remboursai alors par l’écriture de ce récit de désastre familier.

 

(ceci et une fiction composite)

 

Tag(s) : #Textes
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