Nous avons mangé le pain les noix l'ail et le beurre,
au pied de l'escalier nous avons bu le vin, nous le faisions tourner
d'une gorge à l'autre, nous tétions comme des pauvres
en attente d'un coup de pouce, une rude acccolade pour
arracher nos corps un moment du travail, du ciment, des briques
et de la soummission, la régalade et nous avions seize ans,
nous buvions comme des pauvres, nous étions fiers de ressemlbler
à ceux qui nous relevaient la tête, puis l'oignon cru, le couteau
passe de mains en mains, des rires, des silences, de longs silences,
on mâche, on grogne, on déglutit et dans le bruit, des ventres
se remplissent et chassent encore un temps la peur,
la connaissance de ce qui se passe en haut de l'escalier,
des pas, des voix, la vie qui monnaye son passage,
on se rince la bouche dans une dernière goulée,
on crache dans la terre des fondations, la boue, le fond,
chacun son tour, on se tait à nouveau, le travail vide les mots
de la conversation, la chaîne des corps se remet en marche,
les hommes attendent le soir pour dire,
quelques phrases harassées,
à l'abri de soi, dans la nuit sans mémoire.