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Une bonhomie intense

Jean-Louis MASSOT, Opuscules poétiques 1995-1998, Gros Textes, 123 p.,  9 €, ISBN: 978-2-35082-524-3

massot opuscules poetiquesPour le dire simplement, en poésie coexistent le flux  et le goutte-à-goutte. En une bonne trentaine d’années, c’est lentement, de façon précise et enthousiaste que Jean-Louis Massot a semé des recueils de tous formats où la poésie s’enchante du quotidien, de la nature et de cette magie qui est de porter un regard sur le monde sans le restreindre, le plaindre ou le pleurer. Sa poésie trace des sentiers où il va souvent ébloui par les péripéties d’un récit composé des épisodes simples et souvent vertigineux de la vie.

Ses Opuscules poétiques 1995-1998 viennent de paraître chez l’éditeur Gros Textes, compagnon de route éditorial des Carnets du Dessert de Lune que l’auteur a animés de 1995 à 2020 en publiant poètes, écrivains, illustrateurs et illustratrices sans compter. Cette réédition d’opuscules disparus momentanément dans le temps qui passe vient de nous montrer encore une fois à quel point Massot est un libre-marcheur en cette matière. 

Il laissait couler des récits de rivières amoureuses des étoiles. Et ses mains devenaient des berges ouvertes où il faisait bon se rouler. Une dernière écluse à passer avant le grand delta. Et il voguait sur une étoile de mer qui jaillissait de l’eau pour s’envoler vers la voie lactée où des anges aux pieds de ballerines lui prenaient la taille pour l’obliger à danser et se sentir aussi léger que le chant des grillons.

Son complice d’aventure et ami, l’artiste Gérard Sendrey (1928-2022) a également participé à cette émouvante réapparition des textes du poète (couverture et illustrations). Ce petit livre est une mine de scènes où le poète scrute le futur disparu, l’échéance finale, la répétition infinie des fusées du quotidien. On pourrait penser ici à des hommages, des remerciements discrets à la vie quelles que soient ses figures, contours et matières.

Un homme est venu. Ici. Chez nous. Il arrivé de nulle part. Ni papier ni bagages. Il n’a rien dit. S’est assis. Là. / A regardé nos lèvres qui ne cessaient de lui poser des questions. Puis il s’est levé et il a disparu. Comme gommé du paysage. En laissant dans ce tableau le vide du silence avec lequel nous tentons de faire bon ménage.

Tout au long de ses publications personnelles ou de ses choix éditoriaux, Jean-Louis Massot  a posé ses jalons comme un exercice d’humanisme. C’est de cette poésie qui nous saisit à l‘entre-deux de la mélancolie et de la joie d’exister parmi les hommes qu’il façonne son chemin.

Ce matin la vie est passée. Sans escale. Des cendres d’un cigare de Sumatra aux mégots d’un mauvais tabac, de vieilles cigarettes roulées, serrées, fines comme des illusions. / Ce matin la vie est passée. D’un plat mijoté à des restes de repas moisis dans le frigo. (…) 

Cette poésie, dite du quotidien, n’esquive aucune des grandes interrogations nées de la vie des objets, des choses, des paysages et de la mémoire des hommes, mais elle n’emprunte jamais les voies du lyrisme, elle sonne l’heure et la minute du temps.

Les Opuscules poétiques de Jean-Louis Massot révèlent à nouveau la bonhomie intense du poète, sa patience, ses incertitudes et la pleine conscience de notre brièveté… si longue qu’un poème n’y suffit.

Daniel Simon

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