"Autobiographie rêvée" par Eric Allard 9 Juin 2016 Une lecture de mon livre particulièrement sensible et fine. Merci Eric Allard! mercredi 08 juin 2016 14h48 AUTOBIOGRAPHIE RÊVÉE de DANIEL SIMON Au coeur de l'enfance À peine l'histoire de l'Ogre s'ébauche-t-elle que le narrateur intervient pour la continuer... Je vais tenter de la raconter, comme celle de toute une génération qui a eu le temps de se perdre dans l'ennui et l'exploration en attendant la fin du monde qui ne venait jamais. L’Ogre regarde devant lui tandis que le narrateur se tourne vers le passé. Le texte qu’on lit naît de ce croisement de perspectives, de cette confrontation de vues que tout homme, à l’aube de sa prime vieillesse, fait peu ou prou. La langue qu’il parle, est-ce déjà la sienne ou celle qu’il veut conquérir au long du récit ? L’Ogre est un enfant très sensible aux bruits intérieurs et extérieurs (plus tard il écrira pour démêler les bruits… des histoires à se raconter sans fin ou mille histoires qui ne seront jamais les mêmes) et au silence qui nourrit ses rêves de ses lectures nocturnes. C’est un enfant trop grand dans un monde trop petit qui sait qu'il doit partir, s’arracher à ce qui le vide de sa puissance d’ogre. Un enfant qui se sait terrible et effrayant alors qu’on lui assigne une place de muet et de gentil. Impatient de vivre hors du cadre familial étroit (son père est souvent parti, la mère fait des provisions en prévision d’une guerre possible), dans une époque où on craint et fantasme la Bombe, il décide de s’aventurer hors de chez lui, c’est-à-dire dans la forêt au bout de la rue, sous la seule lumière de la lune… La forêt, c’est l’espace du sens et le terrain d'expérimentation des sens, le lieu des terreurs à vaincre, l'endroit de tous les apprentissages. Mais il joue, il ne faudra pas oublier qu’il joue. Il commence par construire une cabane de branches et de feuillage, un lieu propre, d’entrepôt de ses affaires personnelles, base de repli de ses futures avancées et aventures, sur le mode de l’appétence et de la satiété, des creux à combler. Dans le lieu circonscrit que constitue la cabane, le temps n’y a pas place, il fait l’expérience de la nuit puis de l’orage en solitaire où tout est sons et voix, puis de la source, pour clore le cycle de l’eau. Il soignera lors de sa seconde nuit dans la forêt un oiseau blessé et l’aidera à reprendre son envol; ainsi il oubliera de chasser les terribles Inouks qui constituaient sa ménagerie de rêve. Il comprend vite que de soigner l’oiseau lui a donné une force qu’il ne connaissait pas et a agrandi son cœur. Il se dit que la guerre peut-être bonne pour soigner, consoler, aider… et il intègre pour l’oiseau la peur de la Bombe. Il neige, et l’Ogre aperçoit les traits d’une ombre d’abord, d’une forme ensuite qui lui ressemble, l’homme qu’il deviendra peut-être, un possible lui-même à venir et qui lui parle d’une voix qui lui rappelle à la fois la sienne et celle de son père. Cette voix qui dit:Tu seras très vieux mais peut-être que tu n’auras pas encore abandonné le goût des cabanes… Au matin du second jour, l’Ogre prend la décision de rentrer chez lui, conscient d’en avoir appris assez. Et le narrateur, bientôt, de conclure: Il a vieilli, moi aussi, c’est bien. On se rencontrera peut-être encore une fois avant que le temps ne finisse pour nous. Autobiographie rêvée, c'est le temps retrouvé de l'enfance perdue de Daniel Simon sans doute, mais de toutes les enfances passées. Car nous de même, à la faveur de ce récit, faisons avec une réelle émotion ce chemin vers l’enfant à la Cabane, vers l’Ogre chasseur d’Inouks que nous avons été et que nous retrouverons dès lors sur le chemin du souvenir, nous attendant depuis toujours pour une rencontre, un câlin fabuleux, des retrouvailles aussi parfaites que possible entre le garçon rêvé et l’homme accompli que nous sommes devenus mais qui ne pourra, fort de sa puissance retrouvée, poursuivre la route que réconcilié avec son enfant imaginaire. L’Ogre des cabanes est prolongé par Les fleurs en papier crépon dans lequel l’enfant fabrique avec sa maman des fleurs en papier crépon qu’il échange contre des coquillages. Il fait l’expérience du commerce mais aussi de l’amour avec une petite fille noire qui lui donne son premier baiser. Une baleine s’échoue sur la plage près de leurs magasins dont les bords sont couronnés de fleurs en papier crépon, et on arrive à la remettre à l'eau… Cette double fiction bien réelle paraît justement dans la collection Je de chez Couleurs Livres. Elle est le fait de l’auteur du blog Je-suis-un-lieu-commun, Daniel Simon, qui justement se joue ici des lieux communs, les creuse jusqu’à la vraisemblance pour les rendre en moments de vie singuliers, porteurs de vérité. Une cohérence qui joue à plus d’un titre dans ce livre nécessaire, ce conte initiatique au coeur de l'enfance et de la raison d'être d'un écrivain. Éric Allard Le livre sur le site de Couleur livres Le blog de Daniel Simon D'autres croquis de l'Ogre sur le blog de Daniel Simon Blog: Les Belles phrases: http://lesbellesphrases.skynetblogs.be/archive/2016/06/08/autobiographie-revee-de-daniel-simon-8616622.html Télécharger output_1ugy8Q Tag(s) : #Articles
mercredi 08 juin 2016 14h48 AUTOBIOGRAPHIE RÊVÉE de DANIEL SIMON Au coeur de l'enfance À peine l'histoire de l'Ogre s'ébauche-t-elle que le narrateur intervient pour la continuer... Je vais tenter de la raconter, comme celle de toute une génération qui a eu le temps de se perdre dans l'ennui et l'exploration en attendant la fin du monde qui ne venait jamais. L’Ogre regarde devant lui tandis que le narrateur se tourne vers le passé. Le texte qu’on lit naît de ce croisement de perspectives, de cette confrontation de vues que tout homme, à l’aube de sa prime vieillesse, fait peu ou prou. La langue qu’il parle, est-ce déjà la sienne ou celle qu’il veut conquérir au long du récit ? L’Ogre est un enfant très sensible aux bruits intérieurs et extérieurs (plus tard il écrira pour démêler les bruits… des histoires à se raconter sans fin ou mille histoires qui ne seront jamais les mêmes) et au silence qui nourrit ses rêves de ses lectures nocturnes. C’est un enfant trop grand dans un monde trop petit qui sait qu'il doit partir, s’arracher à ce qui le vide de sa puissance d’ogre. Un enfant qui se sait terrible et effrayant alors qu’on lui assigne une place de muet et de gentil. Impatient de vivre hors du cadre familial étroit (son père est souvent parti, la mère fait des provisions en prévision d’une guerre possible), dans une époque où on craint et fantasme la Bombe, il décide de s’aventurer hors de chez lui, c’est-à-dire dans la forêt au bout de la rue, sous la seule lumière de la lune… La forêt, c’est l’espace du sens et le terrain d'expérimentation des sens, le lieu des terreurs à vaincre, l'endroit de tous les apprentissages. Mais il joue, il ne faudra pas oublier qu’il joue. Il commence par construire une cabane de branches et de feuillage, un lieu propre, d’entrepôt de ses affaires personnelles, base de repli de ses futures avancées et aventures, sur le mode de l’appétence et de la satiété, des creux à combler. Dans le lieu circonscrit que constitue la cabane, le temps n’y a pas place, il fait l’expérience de la nuit puis de l’orage en solitaire où tout est sons et voix, puis de la source, pour clore le cycle de l’eau. Il soignera lors de sa seconde nuit dans la forêt un oiseau blessé et l’aidera à reprendre son envol; ainsi il oubliera de chasser les terribles Inouks qui constituaient sa ménagerie de rêve. Il comprend vite que de soigner l’oiseau lui a donné une force qu’il ne connaissait pas et a agrandi son cœur. Il se dit que la guerre peut-être bonne pour soigner, consoler, aider… et il intègre pour l’oiseau la peur de la Bombe. Il neige, et l’Ogre aperçoit les traits d’une ombre d’abord, d’une forme ensuite qui lui ressemble, l’homme qu’il deviendra peut-être, un possible lui-même à venir et qui lui parle d’une voix qui lui rappelle à la fois la sienne et celle de son père. Cette voix qui dit:Tu seras très vieux mais peut-être que tu n’auras pas encore abandonné le goût des cabanes… Au matin du second jour, l’Ogre prend la décision de rentrer chez lui, conscient d’en avoir appris assez. Et le narrateur, bientôt, de conclure: Il a vieilli, moi aussi, c’est bien. On se rencontrera peut-être encore une fois avant que le temps ne finisse pour nous. Autobiographie rêvée, c'est le temps retrouvé de l'enfance perdue de Daniel Simon sans doute, mais de toutes les enfances passées. Car nous de même, à la faveur de ce récit, faisons avec une réelle émotion ce chemin vers l’enfant à la Cabane, vers l’Ogre chasseur d’Inouks que nous avons été et que nous retrouverons dès lors sur le chemin du souvenir, nous attendant depuis toujours pour une rencontre, un câlin fabuleux, des retrouvailles aussi parfaites que possible entre le garçon rêvé et l’homme accompli que nous sommes devenus mais qui ne pourra, fort de sa puissance retrouvée, poursuivre la route que réconcilié avec son enfant imaginaire. L’Ogre des cabanes est prolongé par Les fleurs en papier crépon dans lequel l’enfant fabrique avec sa maman des fleurs en papier crépon qu’il échange contre des coquillages. Il fait l’expérience du commerce mais aussi de l’amour avec une petite fille noire qui lui donne son premier baiser. Une baleine s’échoue sur la plage près de leurs magasins dont les bords sont couronnés de fleurs en papier crépon, et on arrive à la remettre à l'eau… Cette double fiction bien réelle paraît justement dans la collection Je de chez Couleurs Livres. Elle est le fait de l’auteur du blog Je-suis-un-lieu-commun, Daniel Simon, qui justement se joue ici des lieux communs, les creuse jusqu’à la vraisemblance pour les rendre en moments de vie singuliers, porteurs de vérité. Une cohérence qui joue à plus d’un titre dans ce livre nécessaire, ce conte initiatique au coeur de l'enfance et de la raison d'être d'un écrivain. Éric Allard Le livre sur le site de Couleur livres Le blog de Daniel Simon D'autres croquis de l'Ogre sur le blog de Daniel Simon Blog: Les Belles phrases: http://lesbellesphrases.skynetblogs.be/archive/2016/06/08/autobiographie-revee-de-daniel-simon-8616622.html