Hugo Melchior est doctorant à l’université Rennes-II, où il prépare une thèse sur les organisations trotskistes. Ancien militant à la LCR, il est aujourd’hui adhérent du mouvement «Ensemble !», dont la porte-parole est Clémentine Autain. Engagé dans le mouvement contre le projet de loi travail, ce qui lui a d’ailleurs valu deux interdictions de séjour dans le centre-ville de Rennes (la première a été cassée par la justice), Melchior suit de près la mouvance «autonome». Il revient pour Libération sur les idées et modes d’action de ces militants radicaux, qui n'hésitent pas à se confronter violemment aux forces de l'ordre

D’où vient ce mot «casseur» utilisé par de nombreux responsables politiques pour désigner ces manifestants ?On pense très vite à la loi «anticasseurs» du 8 juin 1970 visant la «subversion gauchiste» de l’époque. Loi ensuite abrogée par les socialistes en 1981. Depuis que j’ai commencé à militer en 2006 contre le CPE, ce terme revient régulièrement. On lit les mêmes articles, se demandant qui se cache derrière les cagoules. Est-ce l’expression d’une violence nihiliste ou s’agit-il de militants assumant une forme de délinquance politique et un refus de se subordonner à la légalité du cadre établi ? Ces gens ne se spécialisent pas dans le «cassage». On les retrouve aussi dans les assemblées générales ou dans les actions de blocage aux côtés de syndicalistes.

Qu’est-ce qui est nouveau alors aujourd’hui ?

Ce qui est marquant à Rennes, c’est que l’affrontement avec les forces de l’ordre fait consensus au sein des cortèges. Le slogan «Tout le monde déteste la police» est très présent. Ce n'est pas la police en tant que telle qui est visée mais sa fonction sociale répressive, et à travers elle le gouvernement.

D'où viennent ces manifestants ? Certains peuvent appartenir à des organisations politiques ou syndicales, comme les Jeunesses communistes ou le NPA, d’autres à la mouvance autonome, d’autres encore se greffent temporairement aux manifestations.

La violence est-elle monté d’un cran lors de ce conflit ?

Si on garde un certain recul historique, on constate que le degré de violence était bien plus élevé par le passé. En France, dans les années 50, les militants communistes venaient armés en manifestation. A l'époque, les bagarres entre militants des services d’ordre du PCF et du RPF sont récurrentes, et il n’est pas rare que les campagnes électorales fassent des morts. Cela persiste jusqu’aux années 70. Il y a aujourd’hui des lignes rouges à ne pas franchir, le fait de ne pas recourir à des armes à feu par exemple.

Ces questions font débat ?

D’abord, il ne faut pas réduire ces manifestants à la violence. C’est un mode d’action parmi d’autres. Mais c’est vrai que cette question peut révéler des désaccords de fond. Il y a des militants écologistes qui sont dans un pacifisme intégral, et pour lesquels de simples actions en-dehors de la légalité, c’est-à-dire non déclarées en préfecture, n’allaient pas de soit. Quant aux gens qui affrontent les policiers, ils ne sont pas là pour lyncher et tuer. La violence doit être contenue et maîtrisée. De toute façon, s’ils voulaient être dans une logique de destruction de l’autre, ils ne s’embêteraient pas avec des pierres ou des bouteilles en verre. Le but, c’est de créer une situation chaotique, mais pas d’avoir du sang sur les mains. C’est aussi le résultat d’un processus de pacification des rapports sociaux en politique et de limites morales. Et la police aussi a connu la même évolution : aujourd’hui, elle a pour consigne «zéro mort» chez les manifestants.

Sylvain Mouillard

http://www.liberation.fr/france/2016/05/26/le-degre-de-violence-en-manifestation-etait-bien-plus-eleve-par-le-passe_14553

Et une longue étuude pourt celles et ceux qui veulent se documenter sur ce phénomène

(en France)

https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2008-2-page-115.htm