Habitudes matinales
J'ai l'habitude dans le délassement du matin encore tout enroulé de nuit - est-ce la position d'un l'homme couché qui engendre ces émotions diffuses? - de me rappeler qu'un jour je ne me lèverai plus. Ce n'est pas inquiétant, c'est rassurant même de penser à ce repos en s'étirant alors que la vie m'entraîne à nouveau, pas encore déclarée, presqu'en fraude pendant quelques minutes.
Les buits pénètrent dans l'espace, se heurtent contre les meubles, glissent sur le tapis, des murmures mécaniques, des bruissements, chuintements de pneux sur le bitume, klaksons, transports divers, ça résonne sourdement, comme une lampe à souder dont on règle la flammme. La rue, le quartier livrent leur bande-son et je refais l'image du monde qu'il va falloir rejoindre debout. Le réveil accueille des sons nouveaux qui se mêlent à la mémoire tandis que je me revois peu à peu dans le vacarme du monde.
Je guette aussi la pluie, un léger crépitement, une omelette cuit dans la poëlle, frémit, la neige parfois, je la reconnais au ralentissment sonore du dehors, le soleil même produit ses propres accords que je trie, la tête encore sur l'oreiller alors que mes rêves, muets, presque sous-titrés, mettent en jeu tant de visages en gros-plans qui parlent, crient, pleurent, jouissent, marmonnent dans un silence profond.
(extrait du Livre des habitudes, en cours,...)