Des gardes de chiens borgnes, tordus
de rage et de muqueuses vives,
gisaient épuisés d'avoir trop aboyé,
haché des monstres ancestraux
de leurs crocs fatigués, gueules
cassées et bile débordante,
ils aboyaient en renâclant au pied
des ombres qu'ils louaient un soir,
dans des rodomontades en queue de pie ,
un claque sur l'oreille, un cigare à la bouche,
ils crevaient d'avoir tant exulté des haines
de basse-cours et leurs carcasses vides
pendaient dans les fossés, gorges ouvertes
honte bue et regrets éternels,
la voie est ainsi faite au bancal
défilé des bras cassés du temps,
ils portent sur l'épaule un sac d'os
qu'ils lâchent en tombant
le long de cette allée glacée,
si froide voyez-vous, qu'ils se roulent
en boule dans l'ossuaire ouvert
que les mots avaient autorisé,
comme un plan d'architecte
mêle les hommes aux bêtes,
le fragile au néant
dans des paysagers,
où le gel fleurit
sur le cou des enfants déjà bleus,
derrière de jeunes forces
poussent le troupeau dans ce vide
larvaire, ils courrent, ils sont beaux,
agiles, malins, de jeunes
assassins aboyeurs et charmants,
la peste est une histoire de rogues
sans mesure, miasmes nécessaires
à un temps sans langage,
les corps perdent leurs noms,
aussi le temps, la peur, la faim,
ma douleur, la vôtre,
celle de mes pères et mères,
perdent le nom
de ce que nous étions,
perdent le nom
de je ne sais plus quoi,
perdent le nom