"Aaaah, mon identité!", dit-il, plaintif, hargneux, mélancolique, halluciné, médiocre, inspiré,...comme s'il n'en n'avait qu'une et c'est toujours de la plus encombrante qu'il se préoccupe, celle qu'il a littéralement inventée telle qu'on lui a permis de l'inventer avec les morceaux de bric et de broc dont nous sommes faits et défaits, et c'est évidemment elle qu'il désire rejoindre comme un marin perdu en mer, mais des vagues la masquent, la découvrent pleines de brumes, l'engloutissent, et lui, le malheureux "pisteur d'identité" s'épuise à psalmodier en boucles la même antienne qu'on lui a mise dans l'oreille pour que rien d'autre ni entre.
Cette forme d'autisme au monde ne doit rien à la question des origines ni du pays natal, ni du "heimat" allemand, ni à la saudade portuguaise,...., non, cette identité dont on parle tant et tant est une forme de bouchon que l'on enfonce aisément dans l'oreille des plus sourds, aiguillonnés par une forme d'apathie à "être là" et rêvassant vaguement d'être ailleurs, dans un lieu imaginaire que les rumeurs médiatiques, légendes familiales recomposées, l'idéologie de la plainte comme forme de pensée molle ont construite pour que cette question, "l'identité", dans sa maigreur cadavérique, ne soit au final que chimères sans consistance.
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