Dans les années 70-80, je fais des séjours en Pologne très fréquents...Mon entourage a l'impression que je vais sur la lune...1000 kms. Bruxelles-Marseille. Mais tout était plus lent et long en ce temps analogique.
J'étais à Poznan avec des amis. Nous parlions de littérature et du monde séparé dans lequel nous vivions. Nous parlons de "minorités". Mes amis sont cultivés, lisent Jacques Izoard en français,...(Oui, oui, " La patrie empaillée", je me souviens...). Les minorités, c'est un sujet de toujours. Comment les traiter est à chaque fois remis sur la table. C'est une question grave, essentielle, qui est en fait un des vrais baromètres de la démocratie.
Nous avions en ces années de "crise" une minorité linguistique néerlandophone qui se faisait entendre, par ses extrémistes, assez violemment lors de ses "promenades" dominicales dans les Fourons. Cela dit, le mot "crise" était alors entré définitivement dans le vocabulaire quotidien...Nous n'avons jamais cessé d'être en crise depuis le Choc pétrolier, comme si une crise était étrenelle! Ca n'a pas de sens évidemment. Nous vivions le basculement du monde et ne le percevions pas encore entièrement. La crise a disparu, le monde s'est globalisé.
Les Fourons, donc, comptent un peu plus de 4000 habitants en Province de Limburg, au coeur de la Wallonie liégeoise...L'inextricable en Belgique! Je leur raconte le "bazar", les manifestations, l'extrême-droite flamingante, les tirs de mitraillettes sur les façades et ...pas de mort.
Au fil de la conversation assez animée, quelq'un me demande, "Combien de millions de fouronnais?". Je lui réponds et tous me regardent très intrigués, toutes et tous. "Vous risquez des problèmes pour...4000 personnes? "
Ils sont effarés. Sincèrement navrés devant mon ignorance du monde réel et de ses lois "naturelles"...Risquer une rébellion voire une insurrection, une guerre civile pour 4000 peronnes, ils ne comprennaient pas...Non pas que la vie de ces 4000 personnes leur apparaissait négligeable, non, c'était la naïveté de nos méthodes démocratiques qui les laissaient bouche bée.
"Que feriez-vous?"
"Ici, on construirait un grand immeuble et à l'entrée, on mettrait une simple plaque, "Fourons" et ce serait réglé!" répondit Juliusz sérieusement. On a tous ri. Bon dieu, mais c'est bien sûr, ça coulait de source. Staline était vraiment un homme de circonstance qui avait laissé sa marque un peu partout, même si mes amis le haïssaient plus que nous ne pourrions jamais l'imaginer.
En ces temps d'hystérie et de désirs de camps de toutes sortes, je pense souvent à cette conversation d'il y a trente ans...