Vent, tempêtes, électricité coupée, Internet rompu, pluie, inondations...
Ce matin, un sentiment de bien-être en regardant tout ça par la fenêtre. Peu à peu, ces mots se sont transformés, ont pris une place en moi de plus en plus forte, un sentiment d'arrachement m'a saisi à la gorge, comme si j'étais emporté dans la bourrasque et que rien ne pouvait me retenir,
J'étais saisi, défait, dispersé. Peut-être que la tempête, la pluie, le vent commencent à prendre d'autres dimensions dans notre perception du monde. Les images-chocs, les films, vidéos, actualités des désastres permanents ne m'apprennent pas grand chose de neuf, la littératiure et le cinéma se sont toujours nourris de ce grandiose, mais aujourd'hui je suis rempli jusqu'à la gueule des cris, des simulacres, des effets d'annonces, des obscénités appropriées à chaque événement, au voyeurisme des corps disloqués, aux exécutions, bref, je suis déporté. Déporté, hors de moi, dans de fausses compassions, dans des singeries d'empathie, dans des parades de marches blanches. JE SUIS UN PEU DE TOUT.
Cet Internet coupé, une pécadille, devenait une belle occasion de me saisir du temps de cette matinée d'une autre façon, de l'élargir, de le suspendre, de le rendre moins adapté et moins "productif". J'entendais en moi, de loin, des paroles, des phrases inachevées, des fragments de conversations à propos des inondations de telle ou telle année, des tempêtes qui... et des désatres que...Les sinistrés ont même donné leur nom à l'une ou l'autre rue en Wallonie. Beaucarne en a fait une chanson drôle et émouvante. Le sinistre était un état du monde qu'il fallait mettre en récit. Il s'agissait de le transformer, l'épurer, en retenir les meilleurs effets, mettre en scène la théâtralité de la catastrophe.
La surconsommation détruit le consommateur, le système et la nature des hommes. En l'occurence ici, la surconsommation de catsatrophes arase la théâtralité de la tragésie, elle la renvoie à des événements de coulisses, à des écoutes sans entendement. Je ne peux vivre en voyant un navire prendre la mer et me dire chaque jour que Titanic est peut-être son nom. Je dois me laisser effayer, surprendre par la catastrophe et non en suivre la traçabilité, je dois pouvoir mourir de peur et non détourner le regard par ennui ou dégoût de la répétition tragique.
Il faut que je ne sache pas pour pouvoir vivre. Il faut que je ne me souvienne plus entièrement des faits pour avoir besoin du récit. Et ne plus savoir ne signifie pas ignorer, mais se retirer en un lieu où l'homme peut vivre et se voir vivre, dans des lieux narratifs, des récits, des mises en formes qui sont autant de moyens de résistance à l'agression continue de la mondialisation des images.
C'est, pour moi, une des raisons de l'extrême nécessité de la littérature: accueillir et transporter les hommes dans des arches de mémoire et non les lancer sur les gouffres dans des nefs de fous.