Voir c'est faire écrivait Michel Gheude (1) en 1997. Les réalités de la télévision des écrans et des multiples obstructeurs de compassion se sont développés comme outils d'usages et objectifs terminaux. Se connecter pour être connecté, se brancher pour voir, fuir pour voir ailleurs autre chose,.
Fuir pour voir, voir pour fuir et devant la douleur des autres (2), que faire, comment la dire, la représenter, la partager? Peut-être que se laisser atteindre par une autre douleur, intime, commune, une des plus terribles , celle de ne pas être équipé de matériel dernier cri domine toutes autres. Elle est le vecteur de notre existence du voir c'est fuir. Exister pour s'équiper, vivre pour faire relai avec la technologie. Tous les mots fort de notre vocabulaire sont en train de glisser fers une sorte d'obsolescence qui est déjà un des résultats majeurs de la salsa mondiale. Cette sauce semble avoir du goût, mais peu à peu,on se rend copte que ce goût devient le gout et l'ensemble des autres papilles inutilisées décroit jusqu'à disparaitre.
De même que l'armée a besoin de conflits pour tester la réalité de l'efficacité des armes nouvelles, le regard contemporain fuyant a besoin de sujets toujours plus scabreux, pour les dépasser et aller de l'un à l'autre, oscillement pervers, occupation tétanisante, glissement en biais sans accrocs déclarés.
Tendre son regard vers ce qui ne peut être regardé (l'obscène) (3) pour mieux y aller voir, encore plus loin, "dedans" (caméras endoscopiques), en direct, ailleurs, partout, fuyant. Fin ou retournement de la catharsis? Dans tous les cas, explosion d'une nouvelle culture du regard absent et de l'oeil mobile.
La pornographie ça se joue rarement dans le lit, plus souvent dans le déni, jusqu'à épuisement.
http://unproductivepoetry.wordpress.com/2010/03/27/samuel-beckett-comment-dire-1988/
(1) "Voir c'est faire" , Michel Gheude, Labor, 1997
2)"Devant la douleur des autres", Susan Sontag, Christian Bourgois, Paris, 2000
3) "Le sexe et l'effroi", Pascal Quignard, Paris, 1994