Michel VAN DEN BOGAERDE, Ce qui embellit le désert, Coudrier, 2019, 88 p., 20 €, ISBN : 978-2-930498-96-6
La poésie est une auberge aux murs mobiles, elle accueille chacun sans apparente distinction. Les genres, les styles, la prosodie secrète que les poèmes transportent sont autant de façons de répondre aux questions silencieuses de l’inquiétude ou de la joie profonde d’être au monde. Mais les barrières invisibles dans cette auberge-poésie sont molles. Et des évidences apparaissent : la vérité de l’écriture, la justesse du ton, l’arrachement à l’informe…
Ce qui embellit le désert de Michel Van den Bogaerde est le cinquième livre de poèmes que l’auteur publie aux éditions Le Coudrier. Il a accompagné ses textes d’illustrations photographiques, des saisies de moments évanouis dans des brumes colorées. Il est également l’auteur de romans, nouvelles et récits, dont le plus récent, La promenade d’Ostende (nouvelles) est paru aux Éditions Murmures des soirs.
Écrire de la poésie répond à de multiples pulsions et conduit l’auteur à l’usage de formes souvent radicalement opposées. Les auteurs de poème, que l’on nomme si rapidement « poètes », traversent la vie sous la forme d’un double récit : celui d’un miroir intérieur enchâssé dans un carnet de voyage.
Le livre se compose de cinq parties : « Chaque fois que/ Péchés d’un temps révolu/ Ce qui embellit le désert/ Noëls / Conservatoire des vers blancs ». On va de section en section dans des intermittences poétiques où l’auteur scrute les palpitations d’un monde qui s’évanouit : il interroge les paradoxes minés souvent par la fausse simplicité des évidences frelatées d’un temps binaire.
Michel Van den Bogaerde passe de la poésie aux récits et aux nouvelles avec autant d’énergie joyeuse, il tente de transmettre les vertus d’un témoignage bienveillant même si l’homme sombre dans de terribles expériences de disparition. L’auteur nous laisse entendre les échos des défections du réel, où le faux passe dans la langue et que le poète tente de régénérer chaque jour.
« Parce qu’il n’y a plus aucune raison pour ça » est probablement le plus cohérent des mouvements. On y entend la voix d’un homme frappé d’une conscience douloureuse et
sereine à la fois, ses vers révèlent l’éblouissement et l’évidence.
Parce qu’il n’y a plus aucun au aucune raison pour ça
D’ailleurs qu’est-ce que la beauté
Le génie l’inspiration l’amour le désir
Sinon nos constructions fragiles éphémères
La variante inutile de notre classement
Michel Van den Bogaerde doute, s’inquiète, s’émerveille et revient aux fondamentaux …
Sonnet de Noël
Chaque fois pas de loup quand Noël vient chaque fois
Qu’il neige de mémoire que se serre le jardin
Dans les flocons dessous les ciels aux sombres au choix
Je suis surpris de voir s’étaler les matins
Non que je sois aigri non plus que pessimiste
J’ai la mémoire encore d’autres instants heureux
Mais je serais surpris de trouver d’autres pistes
Je n’ai plus l’âge qu’alors je trouvais insidieux
L’auteur précise en quatrième de couverture : « Lorsqu’on écrit de la poésie depuis un certain temps, la tendance naturelle est de regrouper par période. Ce recueil mêle des textes très récents à d’autres, plus anciens et qui n’avaient pas encore trouvé leur place. Les plus vieux ont un demi-siècle. En me relisant pour composer cet album, j’ai ressenti le plaisir d’une pérennité, puissiez-vous cheminer avec moi sur ce mince sentier ! »
Et c’est bien de cela qu’il s’agit en poésie, elle échappe à la rigueur du temps et se trouve dans le même temps intimement soudée à la biographie du poète. Ses outils se sont affinés mais aussi des élans se sont peut-être brisés, des failles se sont ouvertes alors qu’il ne s’agit plus de les esquiver… Tout se joue dans l’affût, dans le guet de l’invisible et Michel Van den Bogaerde a rassemblé cette belle science de l’entraperçu dans son dernier livre.
Daniel Simon