Vous vous mettez à lire un poème, puis un deuxième, un autre encore et le jour est passé. Vous posez le livre sur la table, vous le regardez comme un objet encombrant, encombrant par sa présence qui ne vous permet plus de jouer à l'aveugle de la même façon, il encombre votre vie par sa présence et ce qu'il recèle ; certains appellent ce livre un recueil de poèmes, d’autres, un livre de poésie, il m'est arrivé de parler d’un cercueil de poèmes, c'était un lapsus, je l'oublierai jamais; il y a dans le livre de poèmes comme le geste d'une mise au tombeau, la dalle comme l’hommage.
Vous dites aussi « C'est beau mais je ne comprends pas… »
Combien de fois, n'ai-je pas entendu cela…
Je disais alors « C'est suffisant… », je ne le pensais pas vraiment, je ne pensais pas que le sentiment fugace de l’incompréhension passé par la beauté sonore des vers suffisait à jouir entièrement du poème, mais que faire ou dire alors ?
Au fil de l’âge, j’ai osé évoquer cette réalité : pour comprendre le poème, il aurait fallu vivre avant, il aurait fallu passer du temps avec ce poème, il aurait fallu méditer, que le poète en fasse de même et tellement plus profondément, mais c’est si difficile de creuser, tellement plus facile de cueillir, nous ne prenons pas de temps pour cela, alors, nous trouvons « ça » beau, tout simplement… pour satisfaire à ce désir rapide de beauté des millions de poèmes jolis qui s'écrivent sans tenir compte … de la vie et de la mort qui vient au bout de chaque chose à laquelle on s'intéresse et qu'on accompagne.