Lorenzo CECCHI, Blues Social Club, Cactus inébranlable, 2018, 116 p., 15 €, ISBN: 978-2-930659-61
Blues Social Club, septième livre de Lorenzo Cecchi, rassemble sept nouvelles aux couleurs de notre temps si paradoxal où le bonheur se joue souvent, l’air de rien, dans une ambiance de kalachnikov !
Lorenzo Cecchi est un écrivain qui sait décliner dans ses récits les subtiles variations du noir en littérature. Il ne s’agit pas ici de « littérature noire ou de polar » mais bien de récits où les hommes et leurs affaires tombent en torches enflammées du haut de leurs ambitions ou projets.
Quand tout va bien, il faut se méfier et souvent, c’est qu’il y a unproblème dans la comédie humaine. Cette affirmation un peu simpliste est par ailleurs, il me semble, une des conditions de la littérature. Le noir lui va si bien.
Lorenzo Cecchi livre dans Blues Social Club sept nouvelles qui sont autant de variations sur des univers qui soudainement dérapent et s’effondrent. Que ce soit une histoire de djihadiste, d’éditeur, d’amoureux,… l’auteur, en revenant régulièrement au « je » narratif, instille chez le lecteur cette impression de proximité avec les protagonistes où le mal ou la vengeance se dévoilent de page en page.
Lorenzo Cecchi est doué d’un sens frémissant du détournement des bonnes intentions. Puisque l’enfer, dit-on, en est pavé. Il sait que la musique d’un texte n’est pas ce que l’on croit entendre mais la façon dont l’auteur donne ses coups d’archet avec plus ou moins de fermeté aux endroits les plus sensibles du récit. Et le blues apparaît donc ici nettement en filigrane. Une descente dans la profondeur des paradoxes et des contrepoints, un creusement de la mélancolie qui peut conduire les hommes au pire.
L’auteur manie aussi un humour, forcément noir, qui met en perspective ces histoires de déraillement et d’hubris, de démesure contemporaine. Ce contrefort de la raison que les Grecs reconnaissaient comme l’autre face de ce que nous voulons construire dans la Cité.
Cecchi s’y connaît en musique, il est aussi harmoniciste, et compose ce recueil jubilatoire dans des mesures et démesures qui n’épargnent pas grand monde. Ça nous éloigne heureusement de tentatives moralisantes dont la littérature s’encombre de plus en plus quand il s’agit de marquer les limites de la bienséance culturelle ou sociétale. Cecchi est un philosophe-clown, un écrivain complet, un artiste de la virevolte et un sniper de belle compagnie…
Daniel Simon
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