Les souvenirs de spectacles sont des lucioles, elles surgissent de la nuit, nous illuminent avant de replonger dans l’obscurité. Les photos, les vidéos, les captations, sont des traces souvent mélancoliques pour celles et ceux qui ont vécu la rencontre de ces spectacles vivants.
Mais le temps efface peu à peu cet art de l’instant qui demande tant de temps pour exister. Les textes, les mémoires, les témoignages, les carnets publiés permettent de revisiter en profondeur les arts de la scène qui marquent l’époque.
Albert-André Lheureux a dirigé quatre théâtres à Bruxelles de 1960 à 1990. L’Esprit Frappeur, le Botanique, Forest National et le Résidence Palace. Mais ce qui a été le ferment de la passion du metteur en scène demeure ce petit théâtre de l’Esprit frappeur, improvisé puis organisé de façon magique dans la maison familiale schaerbeekoise. Ce récit d’une vie de théâtre témoigne d’une aventure exceptionnelle. Elle aura marqué plusieurs générations de spectateurs.
Par chapitres, écrits comme des confidences aux lecteurs, l’auteur convie des fantômes majestueux (Piéral, Bécaud, Brel, Béjart, …) et salue fraternellement toutes celles et ceux qui ont fait de ce lieu une caverne aux merveilles. Les témoignages, les anecdotes, les coups de cœur, de désespoir parfois sont le lot de ces bateleurs.
L’argent, … le nerf de la guerre. Il manquait souvent alors l’ingéniosité scénographique, la mise en scène de l’accueil de spectateurs qui faisait déjà partie du spectacle, la complicité des actrices et acteurs de premier plan ont rendu possible l’entreprise jusqu’à la fin.
Les scènes de théâtre sont reliées par de communes passions même si les options dramaturgiques, le choix des auteurs, la façon de situer le théâtre dans l’espace public peuvent être la source d’antagonismes profonds.
Sans le public, le théâtre ne peut rien, en tout cas pas longtemps. Il s’agit donc d’être à l’heure, à l’heure de ce que le public cherche confusément, entrevoit et souhaite voir représenté.
Albert-André l’heureux avait ce sens de la rencontre, et le travail de toute son équipe a fait de Bruxelles, avec d’autres théâtres majeurs et l’époque, une ville théâtrale de premier plan.
Des portraits émouvants, drôles, piquants font la matière de ce livre lisible par toutes les générations. Elles pourront découvrir d’où est issu ce qu’on appela le Jeune Théâtre qui a engendré les générations d’artistes d’aujourd’hui.
On aimerait lire encore et encore ces livres de femmes et d’hommes de théâtre qui donnent sans compter pour que la Cité se représente et se réfléchisse chaque soir…
Daniel Simon