Une farce, une bouffonnerie, un conte, une histoire d’un temps sans nuances, Jours radieux de Jean-Marie Piemme nous joue le tempo d’un temps sans espérance et empli de peur. Il reste alors la rage, l’illusion, l’exécration des autres, le désir d’un Père sévère et fort, un tyran, ou d’une Mère….
On ne badine pas avec l’amour : chez Piemme, la question, sous des allures de comédie grinçante est toujours au centre de son œuvre dramatique. Que faire pour que les hommes se supportent et tentent même de se tolérer, voire de se reconnaître et d’éviter le pire, la jouissance de la destruction de l’autre, du métèque, de l’encombrant ?
Il y a des corps, une jeune fille blonde, un père blond et une mère blonde, mais attention, elle a des « repousses » noires et il lui prend comme un vomissement soudain, de l’arabe lui sort de la bouche comme un fiel en trop plein. Un trio caricatural donc. Des blonds, sacrément blonds, évidemment, pourquoi pas des noirs, des bruns, des roux ? Des blonds bien sûr, comme ceux des imageries d’extrême-droite et de la peste… brune.
Cette famille n’en peut plus, elle gargouille de frustrations, colères, indignations, méchanceté. Elle se projette dans des jours radieux où la blondinette sera, heil !, une femme d’avenir et de volonté dictatoriale dans le murmure de ce terrible bruit qui court : « C’en est assez ».
Jours radieux grince, amplifie, détourne, moque, décortique le désir d’extrême qui sourd un peu partout en Europe. Les « migrants », les Nègres, les Arabes, les…Eskimos bientôt sont la teigne. Et il faut détruite la teigne.
Alors, dans un brillant basculement, le trio médiocre laisse la place à un conte où Blanche-Neige Démocratie se laisse tenter par une pomme pas très saine. Un épais brouillard alors se lève. La tentation de l’élimination des autres, l’exaltation à la haine, la mésestime de soi, la peur sont retraversées par cette soudaine apparition du conte où le rire se suspend.
Il y a dans l’œuvre de Jean-Marie Piemme, drolatique, toujours attentive à la coexistence des hommes, malgré les prurits et les purulences qui les frappent, un écho souvent aux pièces de Büchner. Je pense ici, principalement à Léonce et Léna. C’est dire la beauté du registre. Et sa nécessité.
Daniel Simon
Jours radieux, mise en scène de Fabrice Schillaci : au Festival de Spa, au Théâtre Varia (Bruxelles), au Théâtre de Liège et au NEST – Centre Dramatique National Transfrontalier de Thionville Grand Est.
Jean-Marie PIEMME, Jours radieux, Lansman, 2017, 48 p., 11€, ISBN : 978-2-8071-0151-7
paru dans: https://le-carnet-et-les-instants.net/2017/09/07/piemme-jours-radieux/#more-17357