Deux livres d'Eric Brogniet qui comptent, deux livres en forme d'alertes et de bornes mémorielles, deux livres apparemment aux antipodes et qui se rejoignent à maints endroits: "Tutti cadaveri" ("L'Arbre à paroles" et "Radical Machines" ("Le Taillis Pré").
Il ne faudrait pas connaître les poètes pour les lire librement, ignorer l'homme pour accueillir l'oeuvre. Avec Brogniet, l'affaire est faite: le style et la voix sont immédiatement reconnaissables, une balance entre le rock dur et le lettré...
Ces deux livres sont les bornes de deux Temps, celui de la révolution industrielle mourante (Marcinelle, Bois du Cazier, 1956) dans "Tutti cadaveri" et 'Radical machines" avec cette descente dans le cyber-espace qui nous tient lieu d'exo-corporalité.
On reconnaît tout de suite le style qui relie ces deux livres, celui d'un poète qui se consacre à la fin des hommes dans un humanisme froid, en morceaux.
"Tutti cadaveri" un livre fort, au ras de l'expire des victimes de la mine, et non au coeur de la tonitruante forme des commémorations, c'est un chant, un récit en vers, un relai à cette phrase terrible déposée aux pieds des femmes et des hommes à la sortie du puits, "Tutti cadaveri".
(Traduction en italien par Rio di Maria et Cristiana Panella.)
Ensuite, "Radical Machines" où le poète, nous rappelle que machines nous sommes et "Radicals machines" nous devenons. Nous machinons...dans le cyber-espace, nous aimons dans les anamorphoses de la Toile, nous sommes des "hommes sans qualité" (Musil) en devenir d'hommes froids dont les expériences les plus intimes s'extériorisent et ne se font plus dans l'espace intime. Exo-humanité nous voilà... Un livre majeur.
Douloureux et magnifiques. J'y reviendrai plus longuement la semaine prochaine.