Se faire voler la langue, sa langue par les adeptes de la "novlangue" des enragés du lissage et du contrôle social est un état de douleur permanent pour certains...
Les Eduqués (1) qui correspondent aujourd'hui pour moi en gros aux "Evolués" à côté des "Indigènes" du temps colonial, ne cessent de rabrouer la langue au nom de son efficacité. Cela donne des discours vides, des enfants ânonnant des histoires sans racines, des adultes en "empathie" avec la douleur universelle et fermés à la première emmerde de leur voisin.
Par exemple...le mot "deuil"...producteur de méthodes radicales pour se le "faire"...ainsi que les sous thérapeutiques qui l'accompagnent....
...Etre en deuil, porter le deuil suffisaient à chacun pour comprendre puis s'insinua le "faire"...Cela donna une litanie de "faire le (son, notre, votre...) deuil" hystérique lancée à tout propos et enfin, logique, mécaniste, productiviste, sous contrôle, le "travail" arriva..."Faire le travail de deuil" ne cesse de nous éclabousser de sa vulgarité, de son vide sonore, de sa crapuleuse injonction à l'activisme! Appelons également à la barre des témoins de la langue morte : le "devoir de mémoire", le travail de mémoire"....
Le chagrin, bien entendu fut ainsi évacué, pas de molécules pour le guérir. Le chagrin ne serait rien d'autre qu'une embrouille de soi à soi, de soi aux autres, d'un moi en mauvaise santé en somme!
Que nenni, pour preuve: le "chagrin des belges" (2), le chagrin d'une famille, le chagrin dune nation, le chagrin d'un peuple...Mais non, trop pauvre le chagrin, trop beauf, trop ancien, trop peuple. Vaut mieux un deuil, propre, lisse, sous contrôle et discours, un deuil, puis la Fêêête....et deux comprimés.
Reste la tristesse... "Bonjour tristesse" de Françoise Sagan, mais ça, c'est de la littérature...
1. http://www.marginales.be/la-joie-des-eduques/
2. Le Chagrin des Belges, Hugo Claus.
Ecoutez cette pièce radiophonique magnifique à propos de la mort d'une mère marocaine.
Un chef-d'oeuvre de délicatesse et d'amour...