«Le bon goût et le mauvais goût ne sont pas subjectifs, ce sont des choses que l’on peut analyser, renchérit Anne-Marie Paillet. Une blague qui ne fait que réciter un point de vue raciste, c’est juste vulgaire». (1)
L'article d'où est extraite cette réflexion dissèque la fameuse phrase de Pierre Desproges qui semble autoriser aujourd'hui tous les débordements et glissements de "l'esprit au mépris": "On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui" ou "pas avec tout le monde"...
Excellent article donc, à propos de Desproges que j'aime mais qui, je ne le découvre pas aujourd'hui, souffre de telles longueurs stylistiques de l'ordre d'un narcissisme littéraire franco-français (la laaannnguue et moâ) que ça en devient de l'humour de "l'entre nous".
Desproges n'aurait pas été au clair lui-même avec ces deuxièmes ou troisièmes degrés dans le jeu avec le racisme, l'antisémitisme etc? J'en doute, en tout cas, l'"effet d'explosion" de certains de ses sketches sont souvent datés, non dans les faits, mais dans ...la langue, manifestement auto-centrée culturellement et complaisante au fil du discours comique.
J'ai régulièrement constaté que des vidéos de Desproges visonnées par de jeunes générations ne provoquent pas ce "deuxième degré" d'hilarité mais surtout de l'ennui et de l'incompréhension (le contexte politique) devant la logorrhée de l'humoriste vite monotone dans ses effets.
Alors Desproges pas si bon que ça? Je ne le pense pas, mais l'auteur ne résiste pas toujours si on accepte de le passer au fil d'une critique bienveillante et sévère. Il était porté par une intelligence, un humour et une cuauté qui réjouissent mais sa rhétorique semble aujourd'hui tellement narcissique, attendue, ampoulée...Non pas le deuxième degré de l'ampoule mais le degré zéro.
Malgré ses avatars, la langue de Desproges tentait ce passage à la "représentation" et non à l'effet de "connivence" avec le public. On devenait témoin (au tribunal de l'humour et de l'ironie) et non complice.
Par ailleurs, et contre tout "univers desprogien", le clin d'oeil du temps avec l'obscènité quotidienne est de l'ordre du racolage, direction le "grand cloaque". On rit de tout, grassement, sur à peu près n'importe quelle chaîne. Ce terme télévisuel, "chaîne", n'aura jamais été aussi juste, si à propos.
J'ajouterai qu'en ces temps d'ordurie générale, ça y va, mais crédieu ce que ça y va et qu'est-ce qu' "on" doit se farcir comme lieux communs veules et bêtes qui voudraient signifier, vomis par ces dignes représentants du vide et de la suante bêtise, qu'ils sont "libérés" de tout tabou, "librezenfin", courageux et malins. Les Services publics et privés "Télé zé humour" nous farcissent régulièrement, tous les soirs, ces épandages de lisier mentalo-médiatique-fric-fric-fric.
Mais c'est pas "graaaf" paraît-il, ça ne pourrit que son homme, pas le système de pourrissement au contraire. Beurk. . Mais pardon, faut pas toucher aux idoles qui sont, nous le savons, depuis Auschwitz et Hiroshima....les comiques.
A l'inverse de l'éthique de Desproges (on peut rire des forts, pas des faibles), Beckett n'a-t-il pas écrit "Il faut être cruel avec les pauvres" dans le sens où un écrivain ne peut, pour des raisons d'ordre compassionnel ou politique, faire des pauvres de son temps des anges et ainsi nous distraire de leur humanité, de leur vérité, de leur dignité.
Mais là, il s'agissait du temps de la littérature et de son rapport intime au lecteur, à sa lutte morale, à son système de représentation. Desproges est lui dans le monde du spectacle qui réclame à l'instant des applaudisements. La vitesse de sédimenttaion n'est évidemment pas la même...