A gloser sans cesse sur le Bien et le Mal confrontés, c'est l'arrogante Bêtise qui se fait entendre, qui a toujours divisé le monde en deux pour mieux le détruire, c'est-à-dire le soustraire à toute complexité, oblitérer notre insondable humanité, où, en nous l'inhumanité se laisse entendre et entrevoir à tour de rôles (historiques).
A gloser sans cesse sur le Bien et le Mal confrontés, comme de tristes analystes impuissants qui n'en pourraient plus de durcir la Glose pour anéantir le Réel, nous reculons, chaque jour, dans ce qu'Herman Broch décrit subtilement et sans nuages compassionnels comme le monde des "Irresponsables".
A gloser sans cesse sur la guerre et ses obligations morales et émotionnelles, les relais médiatiques et nombre de politiques nous ont renvoyés au stade de la tribu primitive, capable seule de se rassembler, de pleurer ses morts, de comprendre la simplicité du Grand Affrontement et de se parer, par mimétisme affecté, de signes changeants comme des scarificarions virtuelles, tantôt "Je suis...", tantôt " "Plus jamais..." tantôt...
Des mots d'ordre pour enfumer le désordre. Mais depuis des décennies, la tribu a été poussée dans le dos à ne choisir comme nourriture terrestre que ce qui la condamne, l'avilit, la rabaisse, l'humilie, et ce, depuis des dizaines d'années de consentement et de contentement primaires.
Cette campagne de jouissance dans le vide a été réclamée par les parents de la tribu, et les animateurs sociaux, les choristes de la concorde schyzoïde, ont galvaudé des temps infinis à gloser sur des questions d'identité sans presque JAMAIS poser les questions qui grattent, fâchent tout en renvoyant les autres derrière l'Autre, ce fantôme sympathique et tellement aimable puisque invisible et silencieux.
Il ne fallait pas être spécialiste des religions, des éthologies humaines, des comportements sub-urbains ou autres pour comprendre que toute culture a été systématiquement broyée, méprisée, je dis bien toute cuture!
La culture ouvrière disparue, la culture rurale avilie, la culture bourgeoise lessivée par les nouvelles mafias de remplacement, la culture de la classe moyenne devenue une sous-morale d'autistes convaincus de la bonté de l'homme, de la pureté originelle de la sincérite et de la nécessité de dissolution de toute complexité dans des flots de grand guignolades de managers pour âmes rétrécies.
Pendant ces simulacres de culture, à coup de subventions pour débats cousus de fil blanc et de résolutions bienveillantes de mièvreries, le temps a passé et l'inculture, le mépris de soi, la destruction du langage ont fabriqué des "terroristes banals", des salopards comme j'en ai entendu dans le bus hier faire l'éloge du mépris au nom du Saint pognon et des entourloupes salaces, ils étaient veulent, sales et bêtes. Le temps des simulacres a tout recouvert.
Pour des raisons de solitude extrême et d'obscénité quotidienne, ces jeunes adultes parlaient fort et grassement en nous narguant. Nous nous haïssions probablement, en ne confondant nullement le sujet et l'objet de notre animosité "naturelle", mais en ne les reliant pas, de telle manière qu'on ne puisse détruire l'autre au nom de la lutte contre le système de l'Autre.
Dans un sytème démocratique, nous le savons, le conflit est la base du système des échanges et de la stabilité sociale, sans menace de violence, sinon, nous sortons de cette illusion démocratique à reculons. Il me semble que c'est fait et que nous sommes occupés, depuis longremps, à éteindre machinalement les lumières derrière nous.
Mais lorsque qu'on parle de ces assassins vulgaires et lamentables de lâcheté, les renvoyer à une guerre "impitoyable", comme le rappelle le Président Normal, devient l'expression d'un délire simpliste.
En martelant "impitoyable", il nous a salis ce Président de pacotille, il nous a tous renvoyés à une inhumanité et à une inculture violentes. Non pas que je professe ou qu'il faille professer à mes yeux la moindre pitié dans le sens de l'inaction et de la passivité, au contraire, le combat engagé et qui ne s'appelle en rien la guerre, s'il doit être gagné, sera celui de la complexité d'une civilisation contre la brutale simplicité des Mécréants.
Et cette complexité, nous l'avons vomie depuis si longtemps. Nous l'avons vouée aux gémonies et "ne pas se prendre la tête " et autres âneries sémantiques et morales ont remplacé toute volonté de construire en soi une expérience complexe du monde, souvent douloureuse, qui est le seul gage de notre lucide liberté.
Le Chantier est à nouveau ouvert et le travail ne manque pas.
Milan Kundera remarque que, comme celle de Robert Musil ou de Witold Gombrowicz, l'oeuvre d'Hermann Broch a souffert, dans sa réception, d'être moderne sans correspondre à une vision prévisible...
http://next.liberation.fr/livres/2001/01/11/broch-accuse-de-deception_350715