C'était l'été, l'air était lourd, je me penchais sur mon ombre pour découvrir l'avenir, elle a crié,
comme ça légèrement, presque discrètement, elle était tombée, son genou saignait, elle
pleurait. Je ne savais que faire, j'étais là devant son genou blessé, elle me regardait, je devais
agir, convoquer les dieux, gagner dix ans de plus, mais j'étais plus jeune qu'elle, juste ce qu'il
fallait pour être un petit.
Elle a pris son mouchoir, a essuyé la plaie sans que je n'intervienne. Elle me regardait en coin.
Ma vie se jouait là et je n'en n'avais aucune idée. Alors, j'ai humecté mon mouchoir de salive, je
l'ai déposé sur son genou. Elle a eu un petit cri d'oiseau et m'a dit de m'en aller jouer. Je suis
resté, j'ai pansé longuement son genou.
Elle s'est relevée, m'a laissé avec le mouchoir à la main et s'en est allée en balançant ses bras
dans l'azur du ciel.
...
Des ciels sombres, noués de nuages gris, l'enfance du jeudi après-midi, des dimanches sans fin,
des visites familiales où les tartes sont trop lourdes et le poulet trop cuit, pendant que la petite
cousine, cligne de l'oeil en refaisant ses cheveux, qu'on ne sait pas encore qu'on tombe amoureux.
C'est la faute du ciel, s'il avait fait beau, on serait restés dehors au soleil à jouer à Robinson. Mais
les filles, c'est un éternel Vendredi, ça laisse des traces et ça n'en dit pas trop. Des sauvages!