J'ai l'habitude de lire de diverses façons. Un livre, une position de lecture...Entretemps, je feuillette, je picore, je bouquine.. Je me suis mis, dès l'enfance, à chercher dans les livres le temps de la flânerie et des secrets.
Je contourne ainsi l'ennui des drames ruraux, des bégaiements militants, des jugements moraux, des audaces de pucelles, des dames et hommes de lettres qui sont la naphtaline de la littérature. La littérature prise au dépourvu m'excite tellement plus que cette littérature de l'entre-soi qui pullule, littérature de cinq à sept, littérature de mercerie, littérature de crématorium.
Cette habitude de repérer le livre qui ne me dit rien et dont soudain, je cherche à soulever le coin du tapis, subrepticement, au détour d'une phrase, c'est aller en lecture comme un voleur.
Il faut de la durée, du temps allongé, suspendu pour chercher entre les lignes les prémisses d'un livre que j'aurais envie de lire, de relire, et que masque en partie le livre achevé que j'ai entre les mains. C'est un plaisir souvent plus dense que la lecture linéaire d'un roman dont je sais souvent à l'avance que l'armature romanesque va me condamner à la traversée d'une suite de clichés, de truismes, de valeurs défuntes survivant étrangement encore dans la langue littéraire.
La lecture de l'excellent "Dictionnaire des clichés littéraires" de Hervé Laroche devrait suivre systématiquement le terrible "Dictionnaires des idées reçues" de Flaubert. On s'ennuierait moins à la fréquentation de la littérature spontanée.
Les livres, on le sait, sont une source inépuisable de livres, le singulier enfante du singulier, indéfiniment. Le jeu subtil des écrivains enclins à masquer le meilleur de leur écritrure dans des scènes secondaires, dans des propos peu éclairés, demeure un des secrets du désir de lecture. Il s'agit de débusquer, de saisir au vol.
Souvent, des auteurs, trop longs, trop courts, trop quelque chose, si amoureux d'eux-mêmes, frappent du pied leur petit écho. On n'entend plus alors que le pied. Ca s'appelle parfois aussi le succès.
Naviguer, se perdre, revenir, regarder la rive, saudade, replonger, manquer d'air, prendre une gorgée, se mettre à sec, rêver de noyade, de désastre, de perdition, se sauver malgré soi, aborder un rivage inconnu, apprendre le pire et le monstrueux, se lever meilleur, se coucher si las, pleurer en secret, rire seul, frissonner, sentir l'air vibrer, la lampe s'éteindre, son corps s'absenter, les cieux s'entrouvrir,...des habitudes de lecture comme on respire d'âge en âge.
Dictionnaire des idées reçues
Voici un petit livre qui divertira les lecteurs soucieux de ne pas bronzer idiot et donnera (peut-être) quelques migraines à tous ceux qui font profession d'écrire car tous, romanciers, essayist...
http://savatier.blog.lemonde.fr/2008/07/24/cliches-litteraires/