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Il y a cinquante ans, je lisais Les Choses de Pérec...Nous avions échappé heureusement à la littérature pour adolescents, mimétique et réductrice, nous nous jetions dans la littérature à corps perdu. 

Il y a 50 ans, "Les Choses" apparaissait comme un livre-choc (avec les premiers romans de Sollers (Une curieuse solitude), Roger Vailland (Un jeune homme seul) et Le CLézio (Le Procès-verbal)...Nous découvrions des livres qui marquaient la sortie du Vieux monde où la littérature s'arrachait du 19ème siècle et trouvait une nouvelle place dans la culture du peuple  (ce terme disparut globalement à l'arrivée de Mitterrand au Pouvoir) avec l'avènement du livre de poche. 

Aujourd'hui, si "Les Choses" devait être réécrit, ce serait des corps des hommes, de la viande, de la carne qu'il serait question. Ces choses passées à la machine-à-viande que nous réparons de toutes parts avant son éclatement, son explosion attendue. Nous prendrons bientôt les boulons dans la gueule. Des choses aux corps, pas aux êtres.

Autre singularité du temps, nous sommes occupés par mille autres activités que la mise en lecture, durant des heures, d'oeuvres qui façonnent l'esprit d'une génération. En ce sens, pour moi, la littérature est à genoux, implorant une attention qu'elle ne reçoit plus. Nous assistons à son rapide écroulement accompagné de débats aussi vains les uns que les autres dès lors qu'ils semblent se porter sur la seule question technologique (numérique et tic que tic). Mais débattre du vide littéraire organisé par trois générations d'enseignement public, c'est effectivement difficile. 

C'est évidemment difficile, sous le bombardement de livres éphémères, glissant dans la nonchalente désinvolture de l'Institution, ignorés des INTERESSES, disparus avant que d'avoir vécu de parler de la Bête (1), c'est-à-dire de l'ennnui qui a été organisé autour de la littérature. Les écrivains ont magistralement participé à la plus-value de cet ennui: ronronnant, s'encensant, monologuant dans des solitudes de deuxième main, prenant des poses, devant des publics bien plus avertis des "choses" que nous ne l'étions dans les années 60.  Des chiffres, des références? Demandez, osez, compilez, allez voir que ce n'est pas la guillotine qui a tué, mais la Terreur. 

Des romans portant, transportant des générations, ça se dissout ailleurs et dans autre chose aujourd'hui. Tant "de gens" sont intéressés par la littérature et ne lui accordent AUCUNE importance. Intéressés, entertainment, distraits, impliqués, écrivants, passionnés mais indifférents. Beau sujet. C'est peut-être la plus haute victoire de la socio-culture: avoir rendu les matières de la création et les mythes nouveaux indifférents, indifférenciés, banals, autrement dit, intéressants.

Evidemment, ces créations émanaient de la différence, de l'excellence, du génie parfois qui sont les termes les plus exécrés de cette socio-culture de l'erzatz INTERESSANT. Des pétards mouillés: la production des INTERMEDIAIRES culturels. Des générations spontanées, encore récemment subventionnées, de l'inculture menant la révolution de la liberté de choix, de l'indépendance intellectuelle, de la souveraine éthique sous la condition de l'ignorance, de l'absence d'histoire, de la négation des relations politiques du roman avec la société.

Ignorant et libre de choix: le nouveau critique s'autoproclame et s'improvise, il se lance dans l'analyse ou la lecture de l'oeuvre, (sans outils), répondant à la demande permanente: "Redis-moi autrement ce que je sais déjà", jouant à celui qui feint d'ignorer la réalité des relations de pression, de séduction des lobbies des groupuscules littéraires. Ces néo-critiques sous inflence, portés par le succès, décident donc, dans leur fausse naïveté, de choisir librement...d'aimer, d'encenser, d'accompagner librement des oeuvres qui ne cessent de dire qu'elles ne le sont pas, elles, libres.

Ces caricatures de la connaissance de la littérature sont en fait la caricature du temps. L'exécration du singulier au nom de l'individu. L'exécration de la densité au nom de la fluidité communicationnelle, l'exécration de la lutte de la littérature contre et non pour, au nom de la démocratique joie des Eduqués.

Merci Pérec de ranimer de saines colères devant la guimauve qui se prend pour l'airain des armures de jeux vidéos.

Il y a quelques semaines, après le Drame/Acte symbolique/barbare/crime contre la liberté...."Charlie", nous étions submergés de "Soumission" de Houellebecq. Je n'ai rencontré personne depuis, l'ayant lu et ayant témoigné de ce texte dans la structure de son rapport à la société contemporaine. Je dois fréquenter des illettrés et des amnésiques...Mais ce que je sais , c'est que nous avons entendu la Presse nous parler surtout de la Quantité , du Nombre de livres vendus en Allemagne, Italie, etc...et certains sont allés jusqu'à dire que c'était drôle et même plausible mais peu probable.

"Soumission" compte donc pour un pet. Et nous le savons, quelle que soit sa qualité (mais de ça pouvons-nous débattre?).

 

"Le diable, c'est l'ennui", Peter Brook

http://notesdelecturedepatrickbittar.blogspot.be/2011/03/le-diable-cest-lennui-propos-sur-le.html

 

https://www.facebook.com/groups/h.arendt/?fref=ts

 

Bien sûr le polar. J'en lis bcp et en ce moment sur la Grèce qui ne sont pas piqués à la cigüe MAIS (je sais je sais ...) le polar, comme le reste sont des instruments de délassement, de loisirs même si la sauce est piquante, forte, parfois féroce. Ces livres et les autres (autrement dit pour être dans ce bête binaire: la Blanche /la Noire) sont les deux faces du même dollar (et le polar sait s'y prendre en ce sens). Je ne suis pas passéiste des temps Zola/Hugo et cie. Je parle de culture de masse effectivement Catherine et d'éradication de la valeur, de la plus-value de la culture ou de l'éducation dans les masses qui ne sont plus les classes effectivement (disparition des classes bourgeoise et ouvrière). Déjà Pasolini annonçait cela en 1965. La fin de la culture italienne et européenne. (Ne parlons pas des autres africano-asiato-mondialo-plastico-Ipad). Un élément vient encore dans mon sens: la chute de la librairie, de la vente de littérature, le rayonnement minuscule des ebooks littéraires payants et le transfert du temps/budgent disponible sur d'autres medias qui n'ont pas fonction de structurer mais d'informer, amuser. La crédulité des jeunes générations (manque de liens intellectuels) est due entre autres à l'incapacité d'imaginer, de construire, de se référer à une humanité intéreure que la littérature construit dans sa diversité. Mais bref, je semble gloser alors que j'adore la "castagne oratoire" et je donne un avis que j'essaye de renforcer d'expérience . Point. Lisons Règles pour le Parc humain de Sloterdijck. Un détail encore: le vocabulaire littéraire disparaît au profit de la sémantique managériale. Impossible de ne pas entendre "objectifs", "projets" "resultats" "rebondir"...même chez les "Coachs littéraires". Allons Zenfants, bonne journée!

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