A COTE DU SENTIER...des nouvelles de DANIEL SIMON.
par Philippe Leuckx
Un esprit tordu a énoncé de péremptoire façon - sans doute à mauvais escient, pour ne pas délier la bourse des achats de ses livres - que " M.E.O. proposait des maquettes non professionnelles"! C'est à mourir de rire ou de tristesse, quand on voit, entre autres, la belle, la très belle couverture de 'A côté du sentier" de Daniel Simon. La photographie de couverture est signée Pierre Moreau, que les membres de l'A.E.B. connaissent bien. Et la maquette des autres ouvrages récents ou passés!
Passons. Les esprits chagrins ou demeurés, il s'en trouvera toujours. Des éditeurs courageux, obstinés et généreux, là, les mêmes pourront toujours courir. Il en est peu comme Mr Adam.
Trèfle d'ironie facile.
Venons-en au plat que nous concocte Mr Simon. Des nouvelles. Dix-neuf. Constantes : la vigueur de l'écriture; la maîtrise de la langue; les thèmes de la marginalité assumée ou pas, du théâtre des apparences, du vrai théâtre, celui auquel on s'use, celui de la vie, expérience, apprentissage; les aléas, les rémissions...et ce ton, imparable, mi-voltairien, mi-tendre.
De ces dix-neuf brèves nouvelles, émergent une bonne dizaine, auxquelles j'ai sans doute été plus sensible.
"Désiré" nous plonge dans le monde de l'internat et réussit à faire voler en éclats ces sales idées toutes faites qui empoissent les consciences.
"Le rempart des lampes " (quel beau titre) est une véritable descente aux enfers, aux allures de cauchemar, entre prison et théâtre. C'est aussi l'une des plus longues.
Dans "Face à face", perdre une dent devient le moteur terrible d'une déchéance.
La maladie, la souffrance, la peur peuplent "La répétition" d'un intense questionnement sur ce que sont nos pauvres vies, engluées dans les tresses du méconfort.
Avec Simon, on va forcément aller au théâtre, et deux des nouvelles, les deux dernières du volume, nous embarquent dans l'univers des répétitions, des représentations, entre angoisse, trac et références classiques (ah! Hamlet).
"Les plaisirs du théâtre" et "Le Petit Théâtre" explorent une matière que leur auteur connaît bien.
Passer un entretien d'embauche peut devenir, sous la plume de notre auteur, un mauvais songe et "Pourriez-vous être plus clair?" en administre une illustration sévère.
L'une des nouvelles les plus émouvantes s'intitule "Il ne répondait plus", belle variation autour de plusieurs strates : le mur de communication, le nom du personnage central, Berlin, et l'amitié virtuelle, donnée imparable d'un monde à questionner.
"Bruxelles-Varsovie" ou comment jongler sentimentalement avec deux amours, deux femmes, deux vies. Un petit air de Butor de l'est, avec force modifications, et une réelle maîtrise psychologique : l'histoire de Bremond touche, au-delà de la fragilité, au-delà de son statut de victime d'un certain devoir.
D'autres seraient à citer : l'émouvante "Julia", dans laquelle on peut déceler - seule trace sur 146 pages - du prénom de l'auteur, dissimulé dans un récit qui hausse le voyage au statut de véritable connaissance. L'on ne s'étonnera pas beaucoup : Daniel Simon lorgne souvent du côté du Portugal, et l'âme de nombre de ses personnages s'enfête d'ailleurs.
Un beau livre.
Voici ma lecture, à paraitre dans La Lettre de l'A.E.B. et sur LES BELLES PHRASES