
Daniel Simon a plus d’une corde à son arc, mais il a exercé tellement d’activités qu’il devient difficile de le présenter de manière exhaustive. Il est à la fois écrivain, homme de théâtre, poète, conférencier, ancien responsable de centre culturel, animateur d’ateliers d’écriture, chroniqueur littéraire, éditeur, etc. Dans un article de la revue « Nos Lettres » de l’ AEB (Association des écrivains belges), Michel Joiret était pourtant parvenu à en brosser un portrait assez complet. On y apprend que Daniel Simon est né en 1952 à Charleroi et qu’il vit à Bruxelles. C’est une personne qui aime communiquer, (avec les auteurs et les lecteurs, mais pas seulement) et qui a une formation pluridisciplinaire. D’abord enseignant (français et histoire), il a décroché une licence au Centre d’études théâtrales de l’UCL. Il a enseigné la philosophie du théâtre à Saint-Luc à Bruxelles, a été formateur en communication à la FUCAM. Notons encore qu’il a été lauréat du prix Gauchez-Philippot en 2012 et du prix Emma Martin de l’A.E.B. en 2020. Directeur de la compagnie théâtrale Traverse et des éditions Traverse (une dizaine de titres paraissent chaque année), il a toujours fait preuve de beaucoup d’exigences, envers les autres, certes, mais surtout envers lui-même.
Son recueil de poésie « C’est ici », que je voudrais rapidement présenter, réunit des textes courts. C’est que chaque mot est pesé et aucun n’est écrit au hasard. Rien de superflu chez Daniel Simon. Cette condensation du propos atteint souvent un degré d’abstraction manifeste. Seuls comptent les mots, qui font prendre conscience de la réalité qui nous entoure, mais d’une manière alerte, comme le ferait un cours d’eau cascadant sur son lit de cailloux. Ici, tout est jeune, vif et passionné.
tout est ici
entremêlé encore
avec ce qui ne fut pas
Et le poète évoque à la fois « le livre inachevé », « un vaisseau fissuré d’équipage », « un ami enveloppé de son dernier manteau », mais aussi « le chant secret d’une fertile espérance ».
Lucidité donc, mais jamais de désespoir
allez petites
avec vos frères rabougris
sur des chemins
de chagrins et de ruines
jusqu’au seuil des chambres apaisées.
Le thème de la nuit est omniprésent :
(…)
la nuit
était suffisamment noire
pour rire moins
et pleurer enfin
dans les ruines du jour
Dans un autre poème, on trouve ceci :
les yeux barbouillés
du miel chaud de la nuit
je vacille
en riant
dans l’imitation grave
des petits enfants.
Ou encore ceci :
Il avait ouvert une porte sur la nuit
une autre encore
sur l’épaisseur du froid
une suivante
sur les doublures du noir
Et finalement ceci :
pages cornées
de la nuit
reprendre
le fil de la lecture
les yeux fermés.
Les voyages et les départs sont un autre thème récurrent :
J’ai pris des trains
de jour de nuit
livre entrouvert
sur le signet de l’inquiétude
Certains poèmes s’interrogent sur la langue elle-même :
peut-être la langue
au mitan des aveux
sans le son des voyelles
ni les serres des consonnes
peut-être enfin ça
rien que ça.
Certains poèmes se veulent plus philosophiques et sont comme une réflexion sur la nature humaine :
aimer n’est pas une mince affaire
pour un cœur en faillite
ne pas déborder
et peser jusqu’au matin
une tonne de chagrin
un jour comprendre
qu’on a disparu à son insu
et en rester là.
(…)
Parfois, on joue sur les sonorités, comme ici :
Des larmes encore
ni des lames ni des armes
des larmes encore
que tu portes dans tes bras
Ou encore ici :
bruissements de poèmes
arrachés au ressassement
moucherons hannetons
et autres macarons de rimes
Mais la vie, finalement est là, à portée de main, en-dehors des livres :
les enfants dans la rue
appellent rient chantent
ne pas les encombrer
de nos greniers
Le temps passe, inexorablement, le poète le sait, lui qui a rempli les pages de mots pour dire les tourments de la vie.
le temps reprend haleine
et lance ses grappins
à l’abordage de nos chaloupes
Sa mémoire est remplie de souvenirs, à commencer par ceux de l’enfance :
C’était le nuit
et je n’avais pas peur
enfant oublieux
des terreurs anciennes
(…)
quand je lisais le soir
mon destin héroïque
dans les livres d’images
Mais point de nostalgie inutile. Malgré la solitude, malgré les malheurs qui l’entourent, le poète sait regarder vers demain et saisir tous les instants furtifs, lesquels débouchent parfois sur le bonheur.
On notera que les poèmes de ce recueil ont délaissé la ponctuation et la rime, afin d’aller à l’essentiel et de laisser aux mots qui s’entrechoquent le soin de révéler la complexité de la vie.
Daniel Simon, C’est ici, Les Carnets du Dessert de Lune, mars 2025,
93 p., 15 €, ISBN : 978-2-39055-049-5
Le recueil sur le site de l’éditeur
Je suis un lieu commun, le site de Daniel Simon