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Une profonde gratitude à Jean-François Foulon pour cette lecture subtile et tellement en accord avec ce que j'essaie de tracer et peut-être creuser depuis si longtemps. Merci cher...
Et encore une accolade fraternelle à Eric Allard pour son remarquable intérêt porté au travail des autres dans l'auberge des Belles phrases...
Merci chers!
C’EST ICI de DANIEL SIMON (Les Carnets du Dessert de Lune) /
Une lecture de JEAN-FRANÇOIS FOULON
 

Daniel Simon a plus d’une corde à son arc, mais il a exercé tellement d’activités qu’il devient difficile de le présenter de manière exhaustive. Il est à la fois écrivain, homme de théâtre, poète, conférencier, ancien responsable de centre culturel, animateur d’ateliers d’écriture, chroniqueur littéraire, éditeur, etc. Dans un article de la revue « Nos Lettres » de l’ AEB (Association des écrivains belges), Michel Joiret était pourtant parvenu à en brosser un portrait assez complet. On y apprend que Daniel Simon est né en 1952 à Charleroi et qu’il vit à Bruxelles. C’est une personne qui aime communiquer, (avec les auteurs et les lecteurs, mais pas seulement) et qui a une formation pluridisciplinaire. D’abord enseignant (français et histoire), il a décroché une licence au Centre d’études théâtrales de l’UCL. Il a enseigné la philosophie du théâtre à Saint-Luc à Bruxelles, a été formateur en communication à la FUCAM. Notons encore qu’il a été lauréat du prix Gauchez-Philippot en 2012 et du prix Emma Martin de l’A.E.B. en 2020. Directeur de la compagnie théâtrale Traverse et des éditions Traverse (une dizaine de titres paraissent chaque année), il a toujours fait preuve de beaucoup d’exigences, envers les autres, certes, mais surtout envers lui-même.

 

Son recueil de poésie « C’est ici », que je voudrais rapidement présenter, réunit des textes courts. C’est que chaque mot est pesé et aucun n’est écrit au hasard. Rien de superflu chez Daniel Simon. Cette condensation du propos atteint souvent un degré d’abstraction manifeste. Seuls comptent les mots, qui font prendre conscience de la réalité qui nous entoure, mais d’une manière alerte, comme le ferait un cours d’eau cascadant sur son lit de cailloux. Ici, tout est jeune, vif et passionné.

tout est ici

entremêlé encore

avec ce qui ne fut pas

Et le poète évoque à la fois « le livre inachevé », « un vaisseau fissuré d’équipage », « un ami enveloppé de son dernier manteau », mais aussi « le chant secret d’une fertile espérance ».

Lucidité donc, mais jamais de désespoir

allez petites

avec vos frères rabougris

sur des chemins

de chagrins et de ruines

jusqu’au seuil des chambres apaisées.

Le thème de la nuit est omniprésent :

(…)

la nuit

était suffisamment noire

pour rire moins

et pleurer enfin

dans les ruines du jour

Dans un autre poème, on trouve ceci :  

les yeux barbouillés

du miel chaud de la nuit

je vacille

en riant

dans l’imitation grave

des petits enfants.

Ou encore ceci :

Il avait ouvert une porte sur la nuit

une autre encore

sur l’épaisseur du froid

une suivante

sur les doublures du noir

Et finalement ceci :

pages cornées

de la nuit

reprendre

le fil de la lecture

les yeux fermés.

Les voyages et les départs sont un autre thème récurrent :

J’ai pris des trains

de jour de nuit

livre entrouvert

sur le signet de l’inquiétude

Certains poèmes s’interrogent sur la langue elle-même :

peut-être la langue

au mitan des aveux

sans le son des voyelles

ni les serres des consonnes

peut-être enfin ça

rien que ça.

Certains poèmes se veulent plus philosophiques et sont comme une réflexion sur la nature humaine :

aimer n’est pas une mince affaire

pour un cœur en faillite

ne pas déborder

et peser jusqu’au matin

une tonne de chagrin

un jour comprendre

qu’on a disparu à son insu

et en rester là.

(…)

Parfois, on joue sur les sonorités, comme ici :

Des larmes encore

ni des lames ni des armes

des larmes encore

que tu portes dans tes bras

Ou encore ici :

bruissements de poèmes

arrachés au ressassement

moucherons hannetons

et autres macarons de rimes

Mais la vie, finalement est là, à portée de main, en-dehors des livres :

les enfants dans la rue

appellent rient chantent

ne pas les encombrer

de nos greniers

Le temps passe, inexorablement, le poète le sait, lui qui a rempli les pages de mots pour dire les tourments de la vie.

le temps reprend haleine

et lance ses grappins

à l’abordage de nos chaloupes

Sa mémoire est remplie de souvenirs, à commencer par ceux de l’enfance :

C’était le nuit

et je n’avais pas peur

enfant oublieux

des terreurs anciennes

(…)

quand je lisais le soir

mon destin héroïque

dans les livres d’images

Mais point de nostalgie inutile. Malgré la solitude, malgré les malheurs qui l’entourent, le poète sait regarder vers demain et saisir tous les instants furtifs, lesquels débouchent parfois sur le bonheur.

On notera que les poèmes de ce recueil ont délaissé la ponctuation et la rime, afin d’aller à l’essentiel et de laisser aux mots qui s’entrechoquent le soin de révéler la complexité de la vie.

 

Daniel Simon, C’est ici, Les Carnets du Dessert de Lune, mars 2025,

93 p., 15 €, ISBN : 978-2-39055-049-5 

 

Le recueil sur le site de l’éditeur

Je suis un lieu commun, le site de Daniel Simon

 

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/

 
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