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Sortie en librairies aujourd'hui!
Un voyage vers l’origine

Olivier KERR, La fatigue du métal, M.E.O., 2023, 232 p., 20 € / ePub : 12,99 €, ISBN : 978-2-8070-0398-9

kerr la fatigue du metalPour mon soixantième anniversaire, j’avais décidé de me faire un cadeau et de partir à la recherche de la poésie perdue. Je voulais retrouver ces superpositions improbables entre le rêve et le fil des jours, ces moments où le réel et l’imaginaire le plus débridé s’emboîtent et se complètent pour former un tout harmonieux, que j’avais connu jadis puis qui avaient peu à peu disparu, étouffés sous l’empilement des années. (…) 

C’est par cette réflexion et ce projet que commence La fatigue du métal, premier roman d’Olivier Kerr (par ailleurs peintre, graveur et chroniqueur sous pseudonymes divers, voyageur impénitent) qui offre d’emblée le plaisir d’un titre surprenant, presque antinomique… La fatigue d’un objet, d’un être et ici du métal…

Rappelons que cette expression désigne les altérations et fissures des pièces de métal soumises à des conditions d’exténuation forte (chaleur, pression, usage extrême,…). Fatigue et métal sont deux termes qui résonnent fort sur le plan civilisationnel…

Mais revenons au livre qui se donne à lire comme un roman de voyage.  L’auteur-narrateur raconte le voyage complexe à plus d’un titre de l’expédition qu’il va mener en Éthiopie, à la veille d’une guerre qui couve…Le lecteur rencontre des personnages fantomatiques, étranges, prodigieusement intelligents dans cet bourbier gigantesque et souvent frappés par ce que nous pourrions encore appeler un féroce désir de vivre. Et le désir n’a pas de morale particulière… Le narrateur part donc dans la région du Harar, où, on le sait, Arthur Rimbaud vécut sa vie de commerçant  et trafiquant. C’est au cours de cette odyssée personnelle que le narrateur rencontre les figures locales en les dessinant ou en se servant souvent de ses dessins comme monnaie d’échange de sympathie…

Ce voyage, comme une aventure au seuil de la vie à venir, interroge le lecteur sur la validité de nombre de valeurs humaines. La question de la pertinence de la poésie, de l’art, alors que les hommes, comme le métal, vivent la fatigue et l’épuisement d’un carnage à venir est un des points forts de ce livre tumultueux… Cette question, de toute époque, renvoie le lecteur à « l’usage de l’art » dans un monde humain, donc violent.

Et le narrateur se met donc en route, avec ou sans provision de bouche, sans beaucoup d’argent, il part vers cette région extrême et passe de chambres aveugles en gourbis miteux, là, il se fait des amis, des complices, il ne cesse de dessiner ce qu’il voit, il saisit, note, croque et quelques dessins ramenés de ce voyage sont reproduits dans l’édition.

Une « expérience » le saisit : il mâche du khât, la drogue locale, dans laquelle il ne trouve pas spécialement d’inspiration d’exception mais qui lui permet de vivre cette fatigue du métal dans la distance de la sidération. Lalibela, une des régions les plus riches en sites archéologiques du pays, sera un de ses points d’ancrage et là, ce sont des figures drolatiques, généreuses, terribles qui feront de cette pérégrination une forme de roman de formation…

Dans son journal de bord, le narrateur écrit : « Si l’alcool ou quelque autre drogue, était le raccourci le plus performant vers la poésie, vu que le monde ne manque pas d’alcooliques ni de de toxicomanes, les bibliothèques déborderaient de recueils inoubliables, ce qui n’est pas le cas (…) ».

On ne peut s’empêcher de sourire devant cette réflexion à propos des « paradis artificiels »…

Olivier Kerr écrit tout autant l’émerveillement que les sombres aventures de son héros-narrateur et cette (re)découverte de soi au seuil de l’âge fait de ce livre un premier roman palpitant.

Daniel Simon

Dans le Carnet et les Instants

https://le-carnet-et-les-instants.net/2023/09/07/kerr-la-fatigue-du-metal/#more-64820

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