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Patiente est la mule, patient le soleil, il tombe lourd sur la file des montures attachées et les muletiers suent dans leurs gandouras empoussiérées, ils fument pour chasser les mouches qui piquent le cuir des hommes et des bêtes...

Les touristes arrivent, des poids-lourds. Gras et bruyants, vaguement bêtes eux aussi.

Les muletiers s’occupent des derniers harnachements, se font obséquieux en prévision des pourboires à l’arrivée.  

Une mule, la plus vieille, une carne qui finirait probablement par s’effondrer dans une caracolade finale, a secoué la tête pour tenter de chasser la chaleur et les insectes qui allaient bientôt se repaître des cavaliers adipeux et des cavalières roucoulant leur plus grande épopée.

Il fallut du temps pour les mettre en selle, elle tombait, il vacillait, elle basculait, il flatulait sous l’effort, finalement on leur cala les pieds dans les étriers et ça y était, la colonne allait s’ébranler dès que le muletier de tête ferait le signe.

Ils riaient très fort, elles poussaient des cris de jeune fille au moment le plus intense et, à défaut de chameaux, ils se prenaient un court moment pour les Lawrence d’Arabie du jour, ils étaient ridicules, ils le savaient, ça faisait partie de leurs plaisirs et ce serait un jour de bonheur quand ils parcourraient plus tard sur leurs portables les photos de leurs glorieux équipages…

Les mules se mirent en marche sur les premiers escarpement dès le sifflement du muletier de tête, ça valdinguait en tous sens et les mules, imperturbables, traversaient le village, quelques maisons plantées autour de la mosquée, les enfants couraient, tendaient la main aux visiteurs attendus, les vieux étaient assis en fumant et en buvant du thé.

Les muletiers proposèrent une halte pour désaltérer hommes et bêtes, évidemment tout était prêt et à l’instant des boissons servies sur des plateaux portés par des jeunes filles furent offerts à toute cette équipée. Les touristes photographiaient ce moment d’intense convivialité dont ils reparleraient longtemps entre amis et en famille…

Quand les mules se remirent en route, désaltérées, équipées et réharnachées, la main sur le cœur, on se fit des grands signes et la colonne se remit en route.

Cela dura tout le jour, arrêts, boissons, repas et le soleil commença à faiblir, il fallait rentrer. Cela se fit sans hâte mais « fissa, fissa » marmonnait le chef de colonne.

C’est dans le soir que les accidents pouvaient briser la joie déclinante de cette équipée rendue peu à peu muette par la fatigue; des pierres sur le sentier que les mules n’auraient pas repérées, des crises d’angoisse de l’un ou l’autre, les cavalières étaient les plus solides, une sorte de résistance à la fatigue qui faisait dire aux muletiers qu’elles étaient comme les mules, vaillantes et résistantes, mais quand c’était trop elles tombaient, comme ça d’un, coup, sur le flanc…

La nuit avait pris le relais et les mules et muletiers se reposèrent enfin, demain commencerait tôt.

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