Michel JOIRET, Le long chagrin de mes jardins de ville, illustration de couverture de Rupert Joiret, Coudrier, 2022, 99 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-031-3
Michel Joiret est un marin au long cours de la littérature belge et, à l’occasion de ses quatre-vingts printemps, publie coup sur coup un roman aux Éditions MEO (Stella Maris) et un recueil de poèmes aux Éditions Le Coudrier. Quelle énergie et quelle longévité littéraire !
Saluons encore ici son attention permanente aux collègues, amies et amis de ce petit milieu littéraire qui ne cesse de s’agrandir.
Le long chagrin de mes jardins de ville est un livre au titre qui sonne comme une complainte et où les poèmes sont cependant en échos subtils à cette joie discrète de voir le temps passer… Cet opus marqué autant par l’émerveillement que par la mélancolie délie ses visions enchantées et mélancoliques dans le même temps, comme on feuillette un livre dont le texte nous rappelle le Grand Récit de l’homme qui est de trouver sa place en ce monde.
Bien sûr la vie s’efface à chaque instant, bien sûr le monde change ou, pour certains, disparaît, bien sûr la fugacité est notre seul avenir, bien sûr le poète ne peut l’esquiver s’il prend en charge la plus grande partie du monde et non son unique destin volatil.
Le poète est ici dans ce mouvement qui va s’amplifiant dans chaque être, dans chacune et chacun, à savoir que le présent est tout entier construit de passé, de « choses vues », entraperçues et que ce qui se dévoile dans le brouillard d’une vie est probablement cette instance du présent tout entier fabriqué des nuages de « ce pays lointain » (Racine).
La promenade est un genre littéraire et qui fut, aux 18e et 19e siècles, plus important encore, un art littéraire essentiel. Aujourd’hui encore, la littérature allemande en porte toujours de nombreuses traces. Il ne s’agit pas de la marche, non, il s’agit de la promenade telle que celles de Walter Benjamin dans Paris capitale du XIXe siècle par exemple. Les promenades de la littérature de langue allemande sont nombreuses et traversées probablement par une exigence philosophique qui fait des choses la matière même de toute pensée.
Au fond
Je n’ai quitté les pâtes de son regard
Qu’à de très rares moments de
Déshérence
Rien
Ne lie davantage à
Rien
Que l’écriture illisible de
L’œil
Bien sûr, des amies, des amis, des êtres chers parcourent le recueil, comme des balises de ce don des hommes pour l’amitié quand ils se savent si seuls dans le commun ouvrage du temps.
Mais balades et promenades entre complices sont des sources de joie et de beauté partagées. Le Parc de Bruxelles et cette ville d’il y a peu, en partie rendue invisible dans les salmigondis et embrouillaminis de la « mobilité », sont des lieux de prédilection du poète. Michel Joiret restaure finalement ce qui fut, le temps de la lecture et de la méditation… Notre sollicitude est grande de voir encore et encore des hommes et des lieux arrachés à la dissipation des générations nouvelles.
Des vers discrets et forts, une récurrence de la matière comme point d’appui de l’esprit et de l’âme errante en nous, et comme le pique l’auteur au cours des pages, « Une peinture n’est jamais sèche… »
Daniel Simon
- De Michel Joiret, parait un roman, Stella maris (M.E.O.), à découvrir aujourd’hui aussi sur ce blog
- La fiche de Michel Joiret