C’est là qu’il avait choisi sa place, ça lui semblait parfait pour attendre « la suite des événements », comme disaient les adultes.
C’était une simple chaise. Il s’assit sans manière et passait son temps à tailler un petit morceau de bois avec un canif, une baguette de saule qu’il avait ramassée sur le chemin le long du ruisseau.
Le temps était passé, et continuait de couler dans le grand puits. Tous les ans il rendait visite à ce petit garçon toujours assis et toujours en train d’élaguer sa branche et, alors que lui se transformait, vieillissait, l’enfant n’avait pas pris une ride mais regardait régulièrement à ses pieds, devant lui, il n’y avait nulle ombre, jamais, quelle que soit la hauteur du soleil.
Cela dura des dizaines d’années, des siècles, aurait-il pu dire et un jour qu’il était devenu aussi vieux qu'on pouvait l’être, il rendit une nouvelle visite au petit garçon qui, le voyant arriver en claudicant, releva la tête en souriant : une ombre se dessinait enfin sur le sol.
L’enfant se leva de la chaise, lui prit la main et aida le vieux à prendre place. Quand il le vit confortablement assis, il lui fit un signe et s’éloigna sans plus se retourner.