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Joyeux dér(c)apages

Marc MENU, Oxymores subit(e)s, Cactus Inébranlable, 2021, 73 p., 8 €, ISBN : 978-2-39049-026-5

menu oxymores subitesMarc Menu sous des allures de flâneur de l’humour est un nouvelliste de grand talent et un poète qui révèle de livre en livre une sensibilité qui laisse entrevoir en permanence le difficile équilibre entre l’expérience tragi-comique de l’homme et sa capacité à récolter les « rognures d’ongles » de l’existence. Dans ces legs ramassés tout au long d’une vie: des pépites, des éblouissements, des poèmes, des nouvelles…

Le voici qui ouvre les bondes en publiant au Cactus inébranlable ses Oxymores subit(e)s.

D’abord il y a un titre apparemment inextricable….Que fait donc là ce (e) ? Le titre vous glisse entre les doigts, alors vous le répétez, l’articulez,  vous vous dites que quelque chose doit y être caché et petit à petit cet oxymore subit(e) devient à l’oral… Mort subite. Cette bière bruxelloise appréciée des connaisseurs venait de délier le titre de ses sortilèges… Le premier piège tendu par Marc Menu venait d’être mis à jour et il augurait des emboîtements et des détournements pratiqués par l’auteur…

Nous aurions dû y penser plus vite sachant que cet écrivain fantasque et talentueux, fin et douloureux, avait écrit et publié en 1987 comme mémoire de fin d’études de documentaliste-bibliothécaire un Bruxelles littéraire (éditions Bernard Gilson) qui reste une référence pour beaucoup.

Donc, Marc Menu, bruxellois connaissant autant les fabriques d’aphorismes que la qualité des brasseries artisanales fait là sa première pirouette… On feuillette, on lit, on relit en souriant devant les évidences de ces joyeux dérapages comme autant des décapages de la langue…

Ce matin un lapin

Profitant de ce que personne ne le regardait, le lapin a grimpé dans l’arbre. Une fois là-haut tout lui a semblé si petit que dans un gloussement d’aise, il s’est promis de ne plus jamais en redescendre. Et en un sens, il a tenu parole – grâce aux serres du balbuzard myope et, disons-le, franchement imbécile, qui l’a pris pour un poisson. 

L’accident volontaire, le prurit incongru, l’irritation masquée, l’euphorie apparente nous laisseraient croire, si on se laisse aller, que tout aphorisme est un psoriasis, une irritation dans la matière de la langue…

L’auteur fait, mine de rien, la circulation dans les artères langagières ; ses aphorismes ou micro-histoires donnent à la lecture un effet de miroir des formes et du sens. Ici les aphorismes sont de petites fictions qui semblent accueillir autant le désarroi que la vanité des hommes.

Le jardin extraordinaire

L’arbre est venu boire à la rivière peu après le coucher du soleil. Il a eu un long  bruissement d’aise au contact de l’eau vive et puis, dans un brouhaha de feuilles, il s’est immobilisé dans la pénombre, prêt à prendre la fuite au premier signe avant-coureur de l’arrivée des poteaux indicateurs – ces prédateurs féroces. 

Les tentatives de détournement du bon sens font la matière d’une culture de l’aphorisme dans notre pays et dans la littérature francophone en particulier.

L’éditeur Cactus inébranlable s’est fait une sorte de spécialité dans la publication de ces échos à l’histoire sans fin du renoncement ironique aux formes de la grande Histoire !

Marc Menu rend compte ici de son héritage littéraire : le Daily-Bul, Chavée et autres Balthazar ont vigoureusement avant lui agité le fanal de l’absurdie.

Une lecture revigorante !

Daniel Simon

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