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Elles ne se rendront pas ! Les Reines du bal de Corinne Hoex

Quelques mois après nous avoir donné un recueil de récits sarcastiques, cruels et drôlement assassins, Nos princes charmants, Corinne Hoex nous offre aujourd'hui un roman constitué d'une trentaine de courtes séquences rassemblement dix personnages, des femmes, dans l'âge de la dernière retraite à la Maison de repos Les Pâquerettes. On ne dira jamais assez l'importance de l'effacement dans la nomination fleurie de ces maisons…Bleuets, Marguerites, Coquelicots et autres fleurs qui assignent à la résidence de la disparition discrète. 

Pénétrer dans la salle du bal sous la conduite subtile de Corinne Hoex dans ce dernier roman en date, Les Reines du bal, est un ravissement tant ces dames nous piquent là où nous sommes tous requis, un jour ou l’autre,  dans l’art ou le naufrage de l’âge… Composé d’une trentaine de petites pièces, de situations, parfois très courtes, cinglantes et justes, ce roman à l’orfèvrerie exigeante nous permet de rencontrer dans leur dernier lieu de résidence, Mesdames Prunier, Spinette, Pincemin, Simonart, Coppens, Goujon, Serein, Chapelier et Mademoiselle Lechat et d'autres.. 

Chaque fois, avec amour et humour, l’auteure nous livre des moments d’une redoutable vérité. Ces dames, les Reines du bal, entrent en scène et c’est décoiffant ! Chacune joue cette dernière danse avec ses excès, sa mauvaise foi, son érotisme à vif, son humour, son fiel aussi…Corinne Hoex donne un nouveau coup d'archet à une oeuvre qui, depuis, le début (Le grand menu), accueille et sonde ce qui fait injustice en nous.

Ici, l'auteure, écrivaine à l'exigence aigüe, construit une sortre de Fort Alamo de ces charmantes Reines du bal des désirs intacts, de la roublardise infinie, des tendresses instillées de mélancolie, de vie portée à incandesecence... Elles sont là au bord de la margelle d'où les échos du grand vide leur parviennent de plus en plus clairement mais elles résistent… Corinne Hoex fait éclore avec jubilation l'intelligence du charme, de l'ironie et de toutes ces façons qui sont des positions de dignité dans des lieux où l'on connaît le scénario final. 

L'écriture de l'auteure est redoutable de justesse, piquante, musicale mais aussi posée sur un soubassement éthique permanent. Elle n'a cessé de laisser entendre une forme de sourde résistance à l’injustice vécue au fond de chacune et chacun, sans grand éclat, sans slogan, sans drapeau ! Corinne Hoex cueille dans le fatras des vies les situations souvent les plus inconfortables, redoutable ou cruelles. Elle sait ici faire entendre les voix de ses Reines du bal avec une remarquable attention à ces êtres dans l'âge, mais pas toujours dans la vieillesse du renoncement à la vie.

 

 Ce roman en forme de boîte de chocolats où l'on pique selon son goût ou son humeur, est aussi une façon de nous dire, dans cette apparente fragmentation, à quel point la vie n'a cessé de tourmenter ces femmes, dames et autres demoiselles, oubliées dans la relégation des maisons de repos et qui disparaissent souvent à l'insu de tous. Corinne Hoex les nomme, les cerne et les gratifie d'une amitié littéraire d'une justesse émouvante. 

L'humour, l'ironie, la tendresse ne sont pas des fuites devant l'évidence commune de la mort mais le style de ces personnages dans leur dernier tour de piste nous fait redresser la tête pour regarder encore et toujours notre humanité au fond des yeux.

Les Reines du bal par Corinne Hoex, Paris, Éditions Grasset, collection « Le courage » dirigée par Charles
Dantzig, mai 2024, 92 pp. en noir et blanc au format 12 x 18,5 cm sous couverture brochée en bichromie, 14 € (prix France)

Publié dans MEDI-SPHERE: https://www.medi-sphere.be/fr/loisirs/elles-ne-se-rendront-pas-nbsp-nbsp-les-reines-du-bal-de-corinne-hoex.html

 
 
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