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Nous sommes, dans Les étés de Jeanne,  en 1962au coeur de ce que l’on appellera les Golden sixties. Pour qui, dans quelles conditions? Les avortements sont interdits, les faiseuses d’anges agissent, les jeunes filles sont obsédées par la peur de “tomber” enceintes lors de leurs rapports amoureux, la lune est encore vierge et la guerre du Viet-Nam est chaude.Nicole Marlière écrit finement sur cette jeunesse des années soixante qui semblait si engoncée et respectueuse des conventions…Ce fut le cas, ce ne l’est plus, apparemment. Enfin, d’autres non-conventions aussi étouffantes, si ce n’est plus, ont cours dans ce monde de la course permanente et de la solitude.

La reconstruction bat son plein et la morale est à la traîne de l’air du temps…Jeanne et ses complices adolescentes et romanesques n’ont pas froid aux yeux, elles avancent dans la vie en prenant le risque de se tromper et souvent de mettre leur vie en péril. Jeanne ose, choisit, paye cash.. Elle est en fait le pur contre-produit de son époque, elle flirte (le mot émerge) et elle apprécie la compagnie des hommes. Ce qui fait d’elle une femme forte et une femme libre, c’est de savoir que tout a un prix, tout: l’amour, la vérité et le fait de dire non, ce fameux non qui est le socle de toute liberté.

Nicole Marlière a, en un court roman, saisi parfaitement ce qui mijotait dans la marmite du temps (et qui fera exploser Mai 68…), cette énergie d’une génération qui avait encore hérité des récits de guerre des parents et qui voyait la consommation se déployer avec toute l’impudeur violente qu’on lui connaît. Jeanne est intelligente, prudente, audacieuse et surtout elle ne se fie pas aux seules déclarations, elle sait que la possibilité de dire oui ou non lui appartient. En ce sens, c’est un personnage qui est profondément féministe et totalement contre le matriarcat militant.

Chaque époque connait ses monstres, à chaque époque ses épouvantes, chaque époque porte la responsabilité de son temps et non de celui qui le précède, chaque époque est impure et les femmes et les hommes sont les seuls acteurs de ce qu’on pourrait appeler la responsabilité morale des corps.

La globale pornographie de notre époque est une réalité désolante quand on entend par ailleurs et en écho permanent, les discours de liberté.  Les corps sont maltraités, vendus , sous-traités, chosifiés.

Jeanne ne sera jamais Madame Bovary, elle évitera probablement tous les pièges du non-consentement et, en ce sens, Nicole Marlière nous livre un roman roboratif, libre et subtilement écrit.

Daniel Simon

 

Nicole Marlière, Bruxelloise, travaille dans le secteur de la formation et de l’accompagnement aux demandeurs d’emploi. Les étés de Jeanne est son troisième roman.

Editions M.E.O. (https://www.meo-edition.eu), 120 pages; 14,00 EUR IS978-2-8070-0286-9 (livre) – 978-2-8070-0287-6 (PDF) – 978-2-8070-0288-3 (EPUB)

Dans le cadre de "Une heure à la Bibliothèque", elle répond aux questions de Véronique Janzyk

 

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