Ephémérides du Confinement/15
Il écrit un article, les idées s’enchainent, le clavier sonne juste, les paragraphes se resserrent, il saisit une référence qui lui passe par la tête, il sait de qui il s’agit, il parle de théâtre, d’éphémère, de répétition, ça va venir comme c’est toujours venu, mais d’un coup, rien.
Il écrit alors la citation, certain que le nom suivra. Mais il ne suit pas.
Il s’interrompt, se concentre face à l’écran, revoit l’auteur, lors d’un entretien, qui cite la phrase. Il sait que le nom de cette personne, importante pour lui, va lui revenir en mémoire d’une seconde à l’autre. Pour gagner du temps, il indique une référence en bas de page, se dit que, le prenant de biais, le nom lui reviendra à son insu.
Il attend, rien ne vient. Il commence à s’inquiéter, cherche des liens, visualise le bonhomme, revoit ses mises en scène. Il en connait beaucoup sur son œuvre tant admirée, mais rien ne vient.
Le temps passe, trois, cinq minutes. Le monde s’arrête, le nom ne vient pas, le nom est bloqué dans sa mémoire qui ne veut le lâcher, le nom reste en lui.
Il va esquiver, taper dans son moteur de recherche les mises en scène auxquelles il pense, mais rien, le nom qu’il cherche est passé de mode, relégué aux pages de référence plus anciennes. Cet écart creuse en lui un gouffre dans lequel il tombe. Panique. Le temps s’éloigne à vue d’oeil, de page en page il s’évanouit.
Finalement, il le retrouve, le nom, le nom perdu, le nom qui ne se décrochait plus de sa niche, le nom endormi. Cela a pris une quinzaine de minutes.
Ce n’était pas la première fois que ça lui arrivait mais il savait que parmi toutes les microscopiques pannes de mémoire passées (« Ca viendra plus tard »), celle-ci l’avait inquiété.
(Image: De nombreux «trous de mémoire» ne demandent qu'à être remplis. (Photos Archives nationales de Luxembourg)