Ephémérides du Confinement/16
Pour Rio di Maria,
C’était de poésie, de cet art du peu et de la fugue, de la langue piquée à ses endroits sensibles, de la mollesse du temps qui se ressaisit en quelques mots ou de sa rude lâcheté qui trouve toujours raison auprès des raisons d’à propos,
C’était de poésie que je croyais parler, de cette façon de ne pas esquiver ce qui meurt en soi chaque jour et qui rejoint le regret des temps irréparables, de cette lumière qui fond dans la main des vieillards et que l’enfant disperse sans compter en s’essuyant les yeux,
C’était de poésie que je voulais coudre l’horizon aux nuages et ne plus séparer le monde qui s’en va, je voulais tant vous rejoindre mes amis volatiles enlevés à la matière d’ici, vous dire que la joie est une affaire en soldes, que de tristes copies circulent sur le marché, que l’envie est majeure et la cupidité féroce, mais ça vous le savez déjà, alors vous dire que la peur arrive dans un chariot poussé par les plus pauvres, que les dieux s’y sont mis à nouveau à nous chercher des puces et que les édentés chantent en colère de terribles refrains,
C’était de poésie, de cette pose fréquente chez de fragiles esthètes, fâchés contre eux-mêmes comme uniques ennemis, c’était de poésie qui bat contre le roc et l’use sans appel, c’était de poésie que je voulais couvrir le moindre avec encore bien moins, mais les saccages, la volupté de mordre et l’élan vers le pire parfois me laissent voir que la page est blanche toujours et encore blanche, que le vent est passé emportant quelques vers dans le désert aride des enclos idéaux,
Alors de poésie, parfois, je me fais un manteau et passe mon chemin vers des hommes lointains.