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Autour de Jacques Izoard...Liège 72-82

Un demi-siècle...

Liège années 72-82

 

 

 

Ce titre est presque une formule magique tant nous étions actifs audacieux, créatifs dans le bienveillant et précieux rayonnement de Jacques Izoard.

 

Nous avions vingt ans, il n’en n’avait pas quarante et c'était pour nous un porte-feu, un éclaireur,  un animateur d'exception, un poète majeur.

 

Sa poésie nous illuminait, son accueil nous donnait des forces.

Les rencontres qu'il provoquait nous mettaient à l'épreuve.

 

Et aussi, des festivals des lectures et un bouillonnement d'édition avec les complices de l'Atelier de l'agneau et de son animateur et plasticien, graveur Robert Varlez,  les rencontres de Jean-Claude Legros, de Roland Counard, de Jean-François de Bodt dit François Muir, de Jean-Marie Mathoul, de Francis Edeline et de bien d'autres…

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En Pologne, à Poznàn en 1974, je me souviens de ces conversations passionnées avec mes amis polonais, étudiants et soudain ils me montrent un recueil à la couverture bleue pâle, « La patrie empaillée » de Jacques Izoard. Nous en avons longuement parlé. Cette Pologne était avide de culture, littéralement.

 

Nous avions aussi des désirs, des idées et de l'énergie à revendre.

Nous avons construit nos petites enseignes avec rien (si ce n’est nos fonds propres) et l'atelier La soif étanche est né avec Roland Counard et Jean-Marie Mathoul dans la première et fondamentale étape.

 

Nous avions aussi créé une revue à la rotative à alcool, « Les yeux brouillés » dont Roland Counard avait trouvé le titre. Puis, nous créions encore la revue Varech (poètes de …partout) et lisions 25 et Odradek, débattions de la politique et de la poésie.

 

Ce n’était pas « adossés» au lumineux Atelier de l’Agneau, mais souvent en contre-point, libres de nos choix que nous avancions.

 

 

Personnellement j'ai poursuivi l'atelier La soif étanche et publié finalement près de trente titres (Pascal Lannoy, Jean-Claude Pierrot,  Roland Counard, Jean-Claude Legros, Jean-Marie Mathoul, Daniel Simon..., , Yves Namur, Jacques Izoard, Jean-François de Bodt dit François Muir, Joseph Orban, Jean-Louis Sbille, Jean-Louis Massart, Serge Goldwicht, David Mileikowsky, André Lambotte, Gaspard Hons…).

...

La presse faisait étrangement écho à ce travail souterrain. Le Journal Wallonie consacra même une belle page à l’activité de La soif étanche à ses débuts.

Il y avait évidemment la librairie Le quai et ses  libres animateurs curieux et audacieux : Michel Carpeau et Guy…

 

Je me souviens de combien de séances là…Lectures, ateliers d’écriture, er rencontres…

Mais ce qui me frappe le plus aujourd'hui

C'est que heureusement

Nous n'étions pas encore au temps d'Internet

Nous tapions à la machine, coupions, collions, relions à la main… On s'envoyait des recueils et on en recevait des quatre coins du monde

Ca donnait une énergie revigorante.

 

Le Global Monde n’était heureusement pas encore né, nous parlions à des femmes et des hommes à travers nos textes, dans le temps de l’attente, la durée et le sentiment d’une appartenance à un monde aux règles invisibles mais qui échappaient aux slogans un peu plus que ceux de l’extrême-gauche du temps.

 

Et là tout près à Amay, Vérités, des amis, puis…la création d’un Colloque sur la littérature belge, « Le Coq et la Plume » (Sart-Tilman, Cahiers Jeb), l’invitation de poètes ancrés dans les régions, Yvon le Men, Guy Denis, mais aussi Jean-Pierre Verheggen (pour lequel je dû demander, et obtenu, un « certificat de bon poète » à Marc Quaghebeur pour convaincre les administrateurs rassis de la Maison de la Culture de Huy d’accepter de l’accueillir en leurs murs)

 

Au Même instant, au Vietnam, Saigon, la capitale du Sud, est sur le point de chuter. La guerre touche à sa fin. Puis la Bande à Baader, le terrorisme en Italie, La mort d’Allende, les grèves des étudiants en Belgique, Le début de la fin des charbonnages, puis des aciéries, les pays de l’Est, l’apprentissage du théâtre, mes voyages réguliers en Pologne où j’apprends à me défier de la « liberté » plastique et opportuniste relayée aujourd’hui par les réseaux sociaux.

 

Puis création d’un autre label : Divergence, je publie Luc Dellisse pour la première fois…

 

Puis, il a fallu quitter Liège, sa mémoire sélective, ses oublis réguliers, ses étouffements tribaux.

 

Quand on n’est pas de Liège, il est très difficile d’ouvrir des portes.

 

J’ai dû partir et j’ai trouvé un souffle nouveau…

 

Edition, écriture, théâtre, voyages (Europe de l’Est, Afrique du Nord et sub-saharienne, Amérique latine), formations, ateliers d’écriture encore.)

 

Ensuite, création ici à Bruxelles de l’asbl Traverse (production de spectacles de théâtre) et des Éditions du même nom, animation d’une collection de Récits de vie chez Couleur livres,…

 

Tout ça a été véritablement semé à Liège, en cette terre d’accueil le temps de germiner ailleurs.

 

La mort, la maladie, les deuils, les séparations ont fait leur travail de grignotage. Le temps presse pour le meilleur à venir.

 

J’ai remarqué, dans ce presque demi-siècle, que je n’apparaissais que rarement dans les articles et remémorations diverses de cette époque.
Un «  électron libre », disait de moi Ghislain Cotton dans le Carnet et les Instants.
Finalement, une solitude sélective et stimulante pour travailler à devenir un autre que celui auquel la généalogie et la culture de classe d’appartenance voulaient me forcer à être.

 

http://je-suis-un-lieu-commun-journal-de-daniel-simon.com/2019/01/bio-bibliographie-de-daniel-simon-et-activites-theatrales-et-autres.html

 

 

Daniel Simon, 19 novembre 2019.

 

Merci pour votre attention, salut depuis Lisboa.

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