Journal avril- 15 mai
Il y a des lecteurs aux yeux fermés. Le texte, les personnages, tout est là devant eux, à un moment ça suffit, ils ferment les yeux et le texte continue sur sa lancée intérieure, il se développe, grandit, dévie, bourgeonne, la lecture a toujours un effet retard, comme ces étoiles mortes dont la lumière nous parvient en continu...."ça s'en va et ça revient comme..." (sans musique).
Il y a des amis au coeur fermé.
Ils vous aiment tant pour ce que vous leur renvoyez, donnez, livrez. Comme on aime le Marchand de glaces.
A certains moments, la glace a fondu, faut nettoyer la sorbetière.
Et réciproquement, certainement.
C'est toujours un moment d'allégement.
Pourquoi ces "relayeurs d'infos, et autres usagers" disent toujours "job" à la place de travail ou d'emploi?
Parce que c'est "flop", "blop", "glob"?
C'est ça aussi, être gagné par le vocabulaire de l'ennemi. Isn't it?
En gros, c'est globalement positif. BeauFils a montré sa terrrrible maîtrise de soi et Méchante son ignoble hystérie. Qui a-t-il eu de nouveau et comment s'étonner de ce que cette Glauque Machine continue à monter? Hier elle parlait en pétant dans la soie et aujourd'hui, elle éructe? Allons. C'est bien de cela qu'il s'agit, c'est que Machine Glauque monte en éructant depuis des décennies. Comme si Trump allait soudain citer Racine ou HD Thoreau? On rêve ou quoi? Et pendant ce temps pas une ligne intelligente sur la Culture, des phrases de Premier de Classe, c'est tout et ça en jette, chez le BeauFils et des Langues tendues chez Méchante. Un Dessin animé de post-démocratie où le Choeur s'étonne de la perfidie de Méchante Méduse et se réjouit de l'honnêteté de BeauFils. Corneille se serait amusé. Et Debord est mort.
Elles n'avaient pas 20 ans, buvaient un verre en terrasse, des copines sympas. Elles lançaient des "putains" toutes les trente secondes. Ca sonne dur "putain" dans la bouche d'une demoiselle, vous vous dites que ça vous, plaît d'être allergique au mot "putain" dans la bouche d'une demoiselle en terrasse.
Mais ça passe.
La plupart du temps, dès l'annonce de la première grossesse.
Les commentaires à propos de la Politique française, belge, européenne, américaine, turque (rarement Algérie, Maroc, Nigéria, Senegal, RDC, Philippines, Thaïlande,...on n'en finirait pas mon bon monsieur)...sont devenus dans les réseaux sur nos "ondes et nos antennes", en nos pages et simulacres de toutes sortes, bien autre chose qu'un vain débat sous contrôle mais une façon de répondre à d'autres questions plus basiques et essentielles à mes yeux: "Où donc achètent-ils leurs foies de volailles dans lesquels ils lisent, en augures de ce temps d'augures, avec autant de recul, d'intelligence, de perspicacité et de sobriété l'état des divisions en présence, des compagnies et des forces actives?
Personnellement, je préfère les gésiers.
Je ne sais plus qui disait, "L'histoire ne se répète pas, elle rime".
Il me semble que les rimailleurs sont en goguette et je sais depuis longtemps que le pire est toujours dans ce que l'on croit être son camp. Mimemis aah mimemis chérie, dis-moi qui sera....
Chez mon jeune couple de marocains dans l'avenue Rogier: épicerie, légumes frais, sourires garantis, il y a des pastèques en palettes à régaler tout le quartier. Je les vois tapoter une d'elles, dodue, allongée, ils tapotent, elles résonnent, ils commentent, satisfaits. Je dis au client devant le jeune commerçant: "Monsieur, je vous les conseille, elles ont joué récemment dans l'Orchestre national, première qualité!". Rires. Ils en saisissent chacun une, et comme avec une darbouka, ils se mettent à en jouer!.
Écrire, c'est comprendre longuement qu'il vaudrait mieux se taire.
Depuis des années on me parle plus "de la lecture et de l'écriture", que du dernier livre lu et qui bouleversa...
Ecrire, c'est une façon de se désincarner: "absent de chez soi jusqu'à nouvel ordre". Le poids des choses disparaît.
Dans les films de Woody Allen, "il" répond régulièrement à une jolie femme qui l'entretient pour connaître son activité "Je suis dans la communication...". Aujourd'hui, il suffit de dire "J'écris", c'est aussi vague et souvent aussi creux.
Ecrire, c'est comprendre longuement qu'il vaudrait mieux se taire.
Dans un rêve... "Il avait emporté le costume neuf qui se laissait admirer sur la chaise de son voisin. Il ne sait plus pourquoi il avait emporté le costume protégé d'un film plastique.
La police et les caméras suivirent l'affaire. Il leur dit qu'il s'était retrouvé comme ça, avec ce costume dont il ne savait que faire, assis sur son canapé. Il dit aussi que l'essayer était peut-être approprié. Il enfila alors le costume neuf et se sentit à l'instant comme neuf lui aussi Aussi simple que cela. Ce costume était là pour que sa vie change.
Il avait saisi ce costume d'une nouvelle vie le temps d'un café dans une Brasserie de renom. Le tissu était riche, la coupe impeccable mais ce n'était pas à lui.
Il passa la journée dans ce costume volé et à la fin de la journée, il ne savait plus qu'en faire. Il le replia, le glissa précautionneusement sous sa protection et le ramena discrètement à la Brasserie sur les épaules de la chaise où il l'avait...emprunté.
Il était nu et ça lui allait comme un gant."
"J'ai avalé une fameuse gorgée de poison", A.Rimbaud, Une saison en enfer.
Certaines nuits sont du curare.
On devrait vivre dans le ralenti du sommeil mais ce que traine le jour derrière lui, le criaillement des roues de la Charrette où nous nous tenons debout, les uns serrés aux autres, garrottés par le froid qui nous a saisis et le silence qui nous fige la langue, le regard vague des hommes qui savent où ils vont, toute cette mascarade funeste chasse tout repos.
Ca passe lentement, très lentement et le matin, on se remet au travail pour ceux qui s'éloignent dans le piaillement de l'aube qui vient.
Des enfants crient, chantent, pleurent, rient dans la rue, on est sortis de l'hiver.
La mesure des heures d'été et d'hiver: le son de l'enfance.
Souvent de la mélancolie à l'écoute de ces cris, on se souvient vaguement des siens, si lointains mais toujours là, il suffit de tendre l'oreille...
Il serait bon de quitter ce monde dans ce bruissement-là.
Dans cette effroyable catastrophe qui est de considérer le monde comme un objet figé aliéné aux miracles et aux bouteurs de feu, une évidence nous explose au visage: la pensée ne rend pas moins vil, moins cruel, moins injuste.
Elle offrirait en fait une seule position que les possédés de toutes flammes ne connaissent pas: le sentiment du faux, la rage du déni, et non, comme longtemps nous le crûmes, la culpabilité et le doute.
Il y a des jours, comme ça, sans crier gare, on est heureux, on ne sait pas pourquoi précisément, mais quelques regards, deux mots, une main, un ciel, une voix, surtout une voix, viennent ouvrir discrètement la petite boîte à musique, on entend la mélodie aimée un court instant et ça y est, le monde se vide de ce qui nous encombrait jusqu'au raz du coeur, on respire, ça pourrait être maintenant. Ca dure le temps d'un réenchantement, c'est tout.