ADRIEN D’HOSE, Collet, Lansman, 2025, 68 p., 11 €, ISBN : 978-2807104389
Après le très remarqué Square Edison, Adrien d’Hose publie, chez le même éditeur, un second texte, Collet, lauréat des Journées de Lyon des autrices et auteurs de théâtre 2025.
Nous voilà donc, avec Collet, dans un nouveau récit théâtral qui nous mène encore une fois dans cette zone proche de l’enfance, des non-dits et de cette étrange loufoquerie de la vie.
James et Derrick sont deux frères d’une vingtaine d’années qui se retrouvent soudain perdus en pleine nature, face à un lac, dans un petit campement. Un accident est arrivé (dont l’auteur ne nous dit rien de précis), l’un des deux frères, Derrick (la vingtaine, petit frère de James) se retrouve amnésique et l’autre, James, paralysé des deux jambes. Ils sont équipés d’un dictaphone qui servira, comme dans La dernière bande de Beckett, d’interlocuteur inanimé mais essentiel dans la révélation des paroles, des rêveries, des cauchemars et des découvertes de ce nouveau monde dont ils sont obligés de franchir les frontières.
Dans une écriture piquée d’inventions dramaturgiques, de déroulés dramatiques particulièrement saisissants et de confessions poétiques poignantes et lumineuses à la fois, l’auteur nous met encore face à l’interrogation de jeunes confrontés à ce nouveau monde qui se dessine dans les brumes de l’incertitude.
Un accident dans la vie réelle est souvent, dans les œuvres de fiction, et au théâtre en particulier, une source de rebonds et de creusements dramatiques qui offre des ressources d’emboitements de séquences, de scènes et de pics dramatiques d’une solide richesse.
Adrien d’Hose pousse d’emblée la tension dramatique à un niveau tout autant métaphorique qu’exploratoire. En effet, la situation dans laquelle les deux frères se retrouvent piégés pousse ce duo grotesque et « illuminé », à dévoiler peu à peu une certaine conscience d’une « autre » réalité. Ils sont là, au milieu de nulle part, mais face à l’essentiel.
Journal – Un dictaphone
James : On est perdus. On est perdus au milieu de nulle part et je commence enfin à comprendre qu’il y a certaines choses que je ne verrai plus. C’est particulièrement troublant, l’inaccessible, quand il se fait une place dans la tête. Mon dos me fait mal, mes jambes ne bougent plus. Je reste là, au bord du lac, à pêcher. Je pêche parce que je ne peux rien faire d’autre. Je me sens comme un poids mort, inutile. Je ne supporte plus de ne servir à rien, de ne pas pouvoir nous sortir de là. Je me sens tellement impuissant. Je suis piégé là, comme un gibier, la nuque dans le collet, immobile … et effrayé.
(…)
Derrick: J’ai suivi le bruit lointain. Il n’y avait pas de trace, pas de sentier, juste le bruit lointain. J’ai avancé sans faire craquer le sol pour ne pas être un autre bruit. Le bruit lointain s’est rapproché. Il a arrêté d’être lointain. Il était tout près de moi mais je ne le voyais pas. J’ai cherché beaucoup mais je ne trouvais pas. Monsieur, ça se passait en haut. Il fallait regarder en haut. Alors je l’ai vu.
Nous sommes, dans cette pièce tendue de mystère, de douleur, de révélation et d’une forme de mystique écologique, aussi dans le temps de l’enfance et d’une drolatique robinsonnade de la fratrie !
Daniel Simon
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