"Ce ne fut pas une mince affaire...s'éloigner de soi, de cette ombre ancienne toujours plus vorace, à guetter chaque faux pas qui lui donnait l'impression de marcher dans les traces d'un homme qui avait disparu en chemin, dans cette caillasse d'ombres où il se promenait en hésitant comme un étranger dans la maison d'un autre, la tête penchée sur des signes qui se dévoilaient avant de se fondre dans une galerie dont les faibles lueurs donnaient à l'ensemble une allure de fête déclinante, et ces ombres brumeuses et vernissées d'une durée à portée de main, si communes et banales, terribles et impudiques, des masques, des pantins, des portraits de famille obscènes, du passé sans allure, une vie.
Il voyait son ombre flotter dans un monde aux abois et peut-être était-il temps, en cet âge léger, de reprendre souffle et de plonger encore une fois. Les gouffres n'offraient plus le miracle des disparitions soudaines, ils étaient devenus le territoire des promenades heureuses."