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"Ce qui lui manquait, c'était cette forme de lenteur que l'on pouvait feuilleter chez les bouquinistes, un temps si peu pressé de passer qu'il laissait apparaître, d'un livre à l'autre, la durée silencieuse de la littérature; il y régnait une apnée discrète où les siècles s'épaulaient pour ne pas se prélasser dans la pataugeoire bariolée des dernières nouveautés.

On choisissait l'un ou l'autre volume presque à l'oreille, ça murmurait, faisait écho, l'une ou l'autre phrase remontait à la surface, on se souvenait d'un conseil, d'une discrète injonction d'un passé prêt à nous saisir à la gorge du présent. Le papier rendait témoignage de l'époque de parution; grisâtre, brun et fragile quand la guerre obligeait à la pauvreté des tirages; épais et onctueux, signe de la paix retrouvée.

La couleur était rare, réservée aux articles de ménage. Puis, tout a basculé dans la vitesse des tirages et de l'affichage, la pléthore et le déclin de l'espérance de vie, celle des magazines, comme un éditeur de poches l'avait alors proclamé.

Et soudain, le temps de cligner des yeux, ce fut le règne de l'évaporation, des livres au poids, des couvertures trop fardées et d'un nouveau papier de guerre. Mais laquelle, puisqu'elle ne fait que durer? Parions sur la lenteur et la disparition de l'insémination artificielle. ..."

 

(Livres surgelés, DS)

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