L’acteur est un écrivain en mouvement, un auteur en train de construire non la fable mais les ressorts de la fable.
Il ne raconte pas la relation mais la chimie des relations.
L’acteur n’est pas physique mais chimique dirait le spectateur attentif.
Oui, il y a de cela dans l’acte de lire un texte de théâtre : rien n’est donné, tout est en train de se construire.
Mais un acteur qui lit, qui est-ce ?
Un acrobate du provisoire?
Il s’agit à chaque fois d’expériences fatigantes, épuisantes même pour certains, charmeuses et enivrantes aussi, mais jamais de production théorique. Il est question, dans la lecture d’une expérience intime, pointue, terrassante parfois.
La lecture, c’est la poésie à l’état brut qui se donne à voir à creux qui ne savent pas encore déchiffrer le braille. La lecture, c’est l’expérience de la vie individuelle passée par l'instrument du son.
Lire, c’est, quoiqu’il advienne du texte qui est mis en lecture, un acte d’une profonde liberté. Quel que soit le texte.
Un texte infâme, ignoble, aberrant, insane, insultant, s’il est mis en lecture devient en un seul instant un objet de contact, un instrument de dialogue ou, autrement dit, si nous étions logés définitivement au pays des assassins, ce serait un outil qui montrerait à quel point l’homme est facile à ouvrir.
Le texte est un ouvre-boîte!
Lire, c'est l’approche, au fond de soi, d’un souvenir étrange et lointain, celui de l’expérience commune des hommes qui soudain nous appartient...en propre, le temps de la lecture.
De la même façon, l’acteur nous donne à entendre les échos d’un texte plus que la réalité du texte.
Il lit comme nous nous souvenons de notre propre expérience.
C’est-à-dire qu’il s’approche du texte comme nous nous rapprochons de notre mémoire, à pas de loups, les yeux embués de croyances, prêts à ne rien voir...
janvier 1999, Aveiro, Portugal