Jean-Louis MASSOT, L’A.À.F.L.A – L’Appareil À Fabriquer Les Aphorismes, Cactus inébranlable, 2020, 66 p., 10 €, ISBN : 978-2-39049-012-8
Ne gâchons surtout pas notre plaisir en ces temps de rentrée et de prédictions tous azimuts, aussi fatales que dérisoires souvent : L’A.À.F.L.A – L’Appareil À Fabriquer Les Aphorismes est enfin à notre disposition ! Jean-Louis Massot vient de publier aux éditions Cactus inébranlable un nouveau mode d’emploi et on sait que les modes d’emploi sont souvent les textes qui résistent le plus à l’intelligibilité et la compréhension de l’honnête homme.
Jean-Louis Massot est un artisan avant toute chose : du livre, il connaît tous les métiers et nous a fait profiter de ses choix, de son goût, de ses enthousiasmes et de son extrême attention aux auteurs dans le cadre des éditions Les Carnets du dessert de lune. Il révéla bien des auteurs mais, par ailleurs, il est aussi poète, jardinier, humoriste et, récemment, il s’est révélé inventeur car c’est bien d’une invention à l’instar des Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau (1962) qu’il s’agit ici !
Combien de machines sont demeurées inertes en raison de modes d’emploi mal fagotés ! Nous avons rencontré, il y a des dizaines d’années un chimiste qui suivait des ateliers d’écriture de contes pour apprendre à rédiger de façon désirable les modes d’emploi des produits que les chercheurs étaient en train d’élaborer. Il nous confia qu’un avion pesait une masse égale en modes d’emploi des différents appareils, boutons et autres machineries qui constituent l’ensemble de l’appareil.
C’est donc peu dire Jean-Louis Massot œuvre à l’essentiel : participer à l’avancement du monde en pensant et rédigeant l’appareil à fabriquer les aphorismes, accompagné, comme preuve de son bon fonctionnement, d’une centaine d’aphorismes de différentes matières, sujets et impertinences.
Ce mode d’emploi, héritier d’Achille Chavée, de Raymond Queneau, de l’Oulipo et autres boursicoteurs de l’inconduite littéraire, sert d’abord à éclairer les diverses fonctions et les codes d’utilisation de L’A.À.F.L.A.
Il faut savoir que L’A.À.F.L.A n’est pas un appareil d’usage compliqué mais nécessite un perpétuel entretien de la langue, de l’esprit et un rapport au monde placé sous les augures de l’incongruité, du fantasque et de l’émerveillement.
Mais reprenons au début… Oui, il y a dans tout bon mode d’emploi, un début, un milieu et une fin qui sont de faire tourner la machine dans le sens qui convient à la production de ce à quoi elle est destinée.
En l’occurrence, Jean-Louis Massot, fabricant d’aphorismes artisanaux ou poétique, nous livre une belle réflexion à propos de l’existence même de cette machine discrète et hors de tout entendement humain que notre temps voudrait qualifier de « normale ». Cette machine est une excroissance, une saillie hors de l’esprit commun, elle permet la fabrication, selon des procédés que l’auteur nous dévoile page après page, d’une parfaite et déraisonnable suite d’aphorismes.
L’éditeur nous rappelle que… ”Un aphorisme court en dit long » et qu’il en dit même beaucoup sur certains : « Montre-moi un peu ton aphorisme et je te dirai qui tu hais ». Et malgré toutes ces qualités « …l’aphorisme n’est toujours pas reconnu comme remède à la morosité » et pourtant « Un aphorisme n’est pas un médicament à prendre à la légère ».
L’A.A.F.L.A. est une machine impitoyable, elle ne tolère pas l’approximation, elle avertit les rimailleurs : « Il y a des poètes qui méritent des coups de métrique sur les fesses ». Elle est aussi très perspicace, un peu cancanière, elle sait tout, même ce que la femme du pompier de service ignore, « Quand il la trompa, la femme du pompier n’y vit que du feu ».
N’ignorons pas qu’un aphorisme peut aussi en cacher un autre et que cet art du raccourci tombe parfois à court d’esprit, mais ça, c’est une autre histoire !
Un régal…
Daniel Simon