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Journal -16 - 31 mars

Ca y est la machine à faire des petits chats s'est remise en route. Encore rouillée probablement car hier soir, de ma terrasse, je l'entendais sacrément crier, on aurait dit...je ne sais moi, l'Eurovision en chants bulgares traduits par Google, un creusement de puits de pétrole dans le Borinage, un choeur de Ploucs Publifin,...
Il faut rassurer les enfants qui pourraient croire à une suite d'attentats sur les toits que c'est absolument normal, faut dérouiller la machine et après, c'est plus silencieux. Merci les chats d'annoncer le printemps avec autant de gueule!

Roland Barthes écrivait dans "Mythologies" que dès qu'on sortait on s'échangeait des cartons, des livres, des invitations, c'était un rite, j'y vois aussi un baromètre de l'existence de chacun que l'on vérifie dans sa visibilité, un potlach souvent fielleux, une occasion de renouer ou de se quitter, il suffit d'une ou deux absences à la-dite manifestation et l'affaire est faite, quelles que soient les raisons, on sort du jeu, on recule dans la case oubli et c'est reparti avec d'autres qui eux aussi vous offrent des invitations encombrantes ou très fines, kitchs ou désuètes mises en valeur ou massacrées par des graphistes différemment inspirés, on hésite, on sait déjà ce qu'on ne veut pas voir, surtout pas, ni écouter, l'expérience du spectateur est redoutable et il peine surtout à entendre les commentaires des artistes à propos de leurs oeuvres, souvent plats et convenus comme un jour sans vent, mais l'ogre a faim et a besoin de programmation, sans cesse il faut que le show tourne, rappelait Heiner Müller, c'est la condition première du spectacle, la deuxième est de soutenir les évidences, de pulvériser les baudruches humanitaires et la troisième de laisser penser que c'est là que réside le "courage de dire".
La légèreté est confondue avec le cynisme, le comique avec l'abattage de notre médiocrité et ça tourne, ça tourne,...
Bien sûr on exagère, on force le trait, on est de mauvaise foi, on oublie la grâce, le génie, le talent?
Pas vraiment, il s'impose d'emblée, court sur la lande mondaine comme un feu de forêt...
Mais soudain, la machine se grippe, l'argent fond comme neige au soleil, les subventions se donnent dans l'entre-soi du politique, le silence est alors de mise, on ne sait jamais, quelques coups de gueules, des cartes blanches et ça repart, plus durement, mais ça tient encore.
Combien de temps?
Des manifestations, des licenciements, des statuts précaires, des compétences galvaudées, et ça tient toujours.
Combien de temps?

Le tram m'est passé dans le dos ce matin, si près que j'entends encore sa voix qui me glisse "La prochaine fois, tu es prêt...", je me suis retourné, il avait disparu derrière le tournant, j'ai frissonné, je n'ai pas bougé, je venais de l'entendre plus clairement que jamais, je suis rentré chez moi et me suis couché dans des sons de ferrailles broyées. 
Quand le silence est revenu, je me suis levé. Je me prépare à sortir.

 

"Vivre ou mourir" (1914-1945)
"Travailler et rêver de confort" (50-70)
"Jouir sans entraves" (68)
"Globalement, tout est positif" Georges Marchais (années 70)
"N'ayez pas peur" (Jean-Paul 2 -1978)
"Nous avons tant à partager" (années 80)
"Tout à gagner!" (années 90)
"Allah ouak bahr et l'Axe du Mal" (années 2000)
"Vivre ensemble" (depuis 2001)
"Crise à tous les étages" (2008)
"La psychiatrie à la hache" (années 2010)
"Même pas peur!" (depuis 2015)
...
et si on essayait autre chose car à ce rythme, ça devient bête...

(Une démocratie, c'ets un ensemble de conflits réglés par les assemblées constituées et sans menace de violence!)

 

Hier et aujourd'hui encore sonné par la douleur diffuse qui retrouvera sa commune discrétion, nourrira de l'amour, masquera sa colère et son amertume, fourbira des armes de paroles qui resteront muettes et fera du pire le meilleur de ce jour d'infection au nom des haines d'imbéciles, maladroites, veules et sans vie possible. Les martyrs assassins sont les Polichinelles de la Bêtise.

 

La version "anti-terroriste" du Petit Poucet "ils semèrent des clous sur leur chemin et les Méchants Loups s'en prirent plein les pattes. Ils couraient clopin-clopant chez leurs arracheurs de clous et là on les coinçait et on leur faisait le coup du tél" Vous,parlez en français, appuyez sur le 1, vous parlez en loup, tapez sur le 2 mais pas trop fort, vous êtes ici pour des clous de quelle marque? Tapez sur le 3, légèrement, vous...."
En général après une heure de ce régime, ils avouaient leur mobile, organisation et réseau. Après on leur passait de la musique de l'Eurovision pour défendre nos valeurs et on les entortillait de Nutella pour enfin les exposer dans le Zoo d'Aywaille où ils se faisaient grignoter par les chèvres locales"
 
 
 
"La machine molle" (écrivait Burroughs, dans un autre genre), c'est peut-être le coeur fatigué de notre question.
 
 
 
Parfois, je me retrouve à mon insu dans un film série B de SF où les errants parlent tout seuls. Ils déambulent comme de doux cinglés qui mâchonneraient des secrets éventés, la tête bouge légèrement, opine, se fige, les bras ballants ils vont comme des soldats de plomb grandeur nature téléguidés par leur Fournisseur de service.
 
 
 
Des lectrices, des lecteurs me le demandent tous les matins, massés devant ma porte "Daniel, sois plus gentil dans ce que tu écris!!! Esquive, glisse, en-suave-nous, fêtes les bons sentiments, sois sérieux, c'est pas marrant ce que tu écris..." Je réponds régulièrement que c'est parce que ..., mal ou peu lu. Je suis donc réduit à un petit Lu....Mais non, dis-je encore, j'aime le comique, par exemple ...la confiture vient toujours avant la déconfiture (en politique par ex.), ou apprendre le français devrait consister aussi dans la réécriture de TOUTES les communications politiques d'après les années 90. 
Ca serait utile et ça ferait un bien fou. Et ça coutera moins cher qu'une Education aux Médias qui n'aura jamais vraiment lieu (cf. AEEMA pour info). De plus, ne plus oser écrire ce qu'écrivait Jules Renard dans son sublime Journal rend compte du niveau de bondieuseries des "antis", "para" et "ultras". On marche sur la tête et on voit notre culotte. 
J'aime ce qui est drôle, frais, juteux, spitant...
Vous me direz encore "on s'en fout!". Et vous auriez raison.Comme je me fiche des tonnes de vent qui pèsent dans les livres volatiles.
Mais quand même, répondre à des lecteurs et trices que ça y est, on s'y met, qu'on a pris une vie pour mettre les choses au point en soi, à trier ses amis, ses ennemis, ses souvenirs et ses phrases idiotes qui sonnent si fort à l'oreille et que l'on semble ne plus les entendre tellement la pudeur, la honte, le dégoût font baisser d'office le niveau de l'acuité sonore par prévention, compassion et raison.
Oui, ça y est on s'y est mis.
 
 
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