Il avait oublié le son de sa voix dans le silence de son logement, il aimait ce silence avant, quand il s'effaçait des agitations pécuniaires, absent à l'appel, sur le radeau des médusés.
Depuis quelques mois il était reclus, une sorte d'hibernation mentale qui le ramenait de plus en plus loin dans son passé avec des reconstitutions sonores vertigineuses, les voix étaient là, comme si rien n'avait changé, et derrière les voix, les situations, la température les odeurs, tout revenait comme pour lui dire qu'il pouvait se retirer, que la pièce était jouée et que les quelques pochades qu'il pourrait encore lancer ça et là n'étaient plus nécessaires, la légèreté le gagnait enfin, lui, le lourd, par grands vents il vacillait, la nuit il marchait près des murs pour faire face en cas d'agressions des tarés de quartier.
Un matin, il reçut une lettre, c'était rare, elle était timbrée tout le long de l'enveloppe, il l'ouvrit sans hâte, prêt au pire, mais rien, c'était un dossier médical, il le lut lentement, puis, sa lecture terminée, replia l'enveloppe et la déposa dans une poubelle proche.
Il était heureux, tout serait plus simple, il rentra chez lui d'un pas musical.