- J’ai la passion de chanter, pas celle de Dieu. Je chante la terre, le ciel, l’horizon, mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs… oh, oh, ce serait le bonheur…
- Ca me rappelle une vieille chanson...d'il y a très longtemps, du temp de grand-mère...
- Elle était heureuse grand-mère?
- Je crois qu'elle donnait un autre nom à ça...
- Et aujourd'hui, je chante ce qui est beau et que Dieu a créé mais pas ce fichu monde, je chante ce que les hommes et les femmes peuvent faire de mieux ensemble mais pas l’intrigue, l’orgueil, la tromperie ; je chante le sirop pour la toux, les pilules contre les migraines, le thé quand il fume dans la chambre, le pain qui est toujours si frais, les enfants cruels et innocents ; je chante la beauté du chant, je chante la vieillesse qui vient toujours à pas de loup avec la sagesse qui dort entre ses pattes comme un agneau ; je chante toute cette beauté et le reste, comme je peux….
- Tu pourrais te contenter de parler, on ne t’en demande pas tant !
- Je ne suis pas dans la situation, je dirais plutôt la position de parler, alors je chante le grand lamento des femmes muettes. Je chante pour ne pas entendre mon silence, le tien, celui de ma sœur ou de ma mère,… J’ai aussi la passion des oiseaux, des libres hirondelles et des rossignols domestiques… On leur crève les yeux pour qu’ils chantent mieux. Aveugles, ils appellent la beauté à leur rescousse…
- Je préfère les hirondelles, elle est horrible ton histoire !
- Je suis un rossignol, j’ai été un rossignol, ma mère est le plus grand rossignol que j’aie jamais vu de ma vie, elle chante merveilleusement bien…
- Parfois elle parle aussi…
- Et c’est terrible alors, même Dieu doit se faire tout petit…
- Tu blasphèmes !
- Non, il la connaît et il connaît ses colères et il ne peut rien faire pour la calmer, même son nom ne suffit plus, alors tu penses, il se fait tout petit et il attend que ça passe… et qu’elle se remette à chanter…
- Il aime les rossignols, Dieu ?
- Faut croire !