Dominique MAES, Gourmandises, Murmure des soirs, 2021, 211 p., 20 €, ISBN : 9782930657776
L’éditrice Françoise Salmon et l’auteur Dominique Maes ont bien eu raison de nous offrir en cette fin d’année une vingtaine de nouvelles autour du bonheur de la cuisine, de l’amour et de la littérature. En ces temps secs, c’est un bonheur de lire et relire certains passages de ce livre gouleyant, Gourmandises.
Dominique Maes a fait des études artistiques et a navigué, lors d’une déjà longue carrière, d’un archipel du récit à l’autre : écriture, dessin, illustration, conte… Il a été aussi nommé président directeur généreux de la droguerie poétique qu’il anime, construit et présente lors de ses multiples rencontres et expositions.
Si la gourmandise, dit-on sans y croire totalement, est un vilain défaut, capital même, Dominique Maes les cumule dans ce livre où les nouvelles s’enchaînent avec humour et finesse, entre l’amour de la cuisine et celui de la langue, celle des protagonistes, celle que nous parlons, celle qui nous habite. Les premiers récits de l’humanité ont probablement compté des recettes de cuisine. Le ventre avant les dieux !
Nous le savons de toutes les façons, la gourmandise est une fondation sur laquelle s’organise le cercle des plaisirs. Dominique Maes crée des situations où les personnages passent subtilement, goulûment parfois, de la table à l’amour et à la lecture.
L’auteur nous offre des nouvelles, où la dégustation brise la distanciation du temps (entre autres « Mochis »), et qui nous mettent en relation avec l’intime panoplie d’identités qui est la nôtre. La lecture de ses nouvelles nous met plus que l’eau à la bouche, parfois le vague à l’âme. La cuisine, le goût, l’odorat sont des souvenirs premiers, ceux de l’enfance. L’auteur plonge dans cet infini passé qui est en nous et organise dans un ordre rigoureux, qui est le travail de l’écrivain, des micros événements en mise en abyme des secrets et des jouissances que notre mémoire gourmande ne cesse de raviver.
Cuisine et littérature font bon ménage. Il est exquis de lire avec le nez, de goûter le suc des mots, et lorsque l’on déguste les nourritures terrestres, de chercher le langage qui a le temps qui intensifie encore en le nommant le plaisir ressenti.
L’odeur des livres neufs m’est nécessaire presque chaque semaine et lorsque je la capture dans une de mes librairies préférées, généralement en fin de matinée, elle m’ouvre tellement l’appétit que je ne puis faire autrement que de rejoindre, ma provision de nouveaux ouvrages sous le bras, l’un de ces jolis petits restaurants qui proposent leur plat du jour. J’adore ces repas assez rapides, en solitaire, où il m’est permis d’observer les habitués avaler le repas en riant, heureux de cette parenthèse dans une journée laborieuse.
(…)
Le plaisir est encore plus vif, lorsqu’il m’est possible de cuisiner et lire dans le même temps.
Ce ne sont pas des obsessions mais des mouvements qui animent les personnages comme de véritables tropismes, des attractions papilloactives. Elles nourrissent autant quelles brûlent…
L’auteur nous rappelle qu’on se met toujours à table avec des fantômes, de même que l’on écrit dans un univers d’anamorphoses. Rien n’est vrai évidemment, malgré l’obsession du temps de vouloir faire de la littérature une sorte de banc des accusés du réel, mais tout est juste quand on n’oublie pas, comme le fait Dominique Maes, qu’écrire c’est aussi commémorer ce qui reste en nous.
Les portraits de ces amoureux culinaires, tripoteurs de papilles et lecteurs au nez fin honorent la joie de vivre et de lire.
Daniel Simon