Ephémérides du (dé)confinement/23
L'époque a l'ennui qu'elle mérite...
Dans les années de la vitesse glorifiée, celles du 19ème siècle, les gares, les ports d'embarquement, les lieux publics créèrent pour l'homme qui attend des salles d'ennui, qui devinrent des salles d'attente et des pas perdus.
Cet homme qui attend, en files ou en grappes, aura subi ces dernières décennies un tir ininterrompu d'injonctions paradoxales pavloviennes et molles, bienveillantes et presqu'inaudibles, mais toujours reconnaissables, comme une muzak d'ascenseur en panne: le son de l'ennui d'un présent immobile. Mais parlons-nous d'ennui vraiment, parlons-nous de cette magnifique et terrible machine de désencombrement des êtres qui nous manque dès qu'elle est rassasiée jusqu'à la gueule?
Plus que l'ennui, c'est peut-être le temps des pas perdus dans l'homme sans appétit que l'on entend résonner, un temps atone, d'égalisation, et non d'égalité, un temps goulu et jamais repu.
C'est le moment de (re)lire, pour faire mentir aussi l'idiotie des procédures de dressage du temps, Heinrich von Kleist et son opuscule magnifique ""L'Élaboration de la pensée par la parole"(1) ainsi que "Le Bavard" de Louis-René des Forêts. Ces deux textes sont des appels à la parole en opposition à cette manducation du vide qui fait office de discours, autant dans la sphère privée que publique.
Bonnes lectures.
1.
https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1983_num_51_3_2200
2.