Ecrire une parole de femme m'a toujours paru très intéressant, peut-être plus que de prendre en charge une parole d'homme. Après tant d'années d'écriture sous différentes formes, je dois bien reconnaître que ce que disent les hommes en général me touche moins. Ils peuvent m'intéresser me concerner hautement mais quand il s'agit d'écriture, "trangsresser" reste la norme et passer dans l'autre "tribu" un court moment est une chose très agréable et redoutable.
Une anecdote m'a marqué à jamais...J'avais écrit le texte pour deux comédiennes marocaines et nous en étions à la lecture publique, au Théâtre Mercelis à Ixelles, la salle était comble. Nous étions très heureux et les comédiennes étaient magnifiques. ("Tina wana")
Tout s'est bien passé. Les youyous ont fusé de partout et, parmi les questions qui nous étaient adressées, une, toute simple, me toucha "Comment avez-vous fait pour écrire de façon si juste une parole de femme marocaine?" me demanda la dame?
A brûle-pourpoint j'ai répondu "Parce que je suis une femme marocaine, bien sûr, madame, quand j'écris...". La salle a applaudi, rit et re youyous. Nous étions toutes et tous très heureux... ça coulait de source. On n'invente jamais rien, on recycle, en l'occurence ici, le fameux " Madame Bovary, c'est moi" de Flaubert.
Lorsque Christine Mordant m'a parlé tout simplement d'un projet qui lui tenait à coeur, l'aventure de vie de Julius Koch (1), ce "grand homme", pour lequel elle me demandait d'écrire "La femme du grand homme", j'ai dit oui tout de suite, évidemment...
Mais ce n'était pas écrire à propos de cette femme qui aide le grand homme à devenir grand (sujet classique et redondant), non, il s'agissait d'écrire la parole de cette femme quis se retouve un jour devant cette question, grand, grande, petit, petite, qui suis-je?
Et on y est allés, au charbon...
La pièce, le soliloque, la parole libre de cette femme est née assez vite, on a eu l'occasion de la secouer un peu et puis, Christine, comme une grande, a cherché l'ouverture qui lui permettrait de rendre cette parole légitime et juste.
On en est là.
Les répétitions commencent vraiment sur le plateau bientôt.
On est impatients.
Je suis heureux, je redeviens une femme pour quelques jours...
1. La Galerie Koma sous l'impulsion passionnée de Jean-Pierre Denefve, accompagne depuis plus de deux ans dans une suite d'actions poétiques, artistiques mais aussi ethnologiques, anthopologiques, plastiques, sous formes de rituels, de mises en catafalques, d'expositions et de performances dibverses ... autour de la personne Julius Koch
Ce Julius Koch, dit Constantin, était grand (2,46 m), vivait à Mons à la fin du 19ème siècle, ses restes demeurent au Musée d'Histoire naturelle de la ville, je les ai vus, j'ai vu le géant allongé. Le projet de Jean-Pierre Denefve consiste aussi à ce que ses restes reposent en terre. Tout le projet Koma s'y emploie....